Histoire de la famille de Thy et du château de Lacour

(Transcription du  manuscrit d'Emmanuelle de Thy)

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Table des matières



Chapitre 6

  Premiers procès

Nous avons laissé Claude Espiard de Lacour, jeune marié et heureux propriétaire de Lacour. On peut penser qu'il ne s'y rendait qu'à la belle saison. Ses parents se sont mariés en 1652 à Saulieu, mais son père, conseiller au parlement de Dijon depuis 1653, avait sans doute une habitation à proximité du parlement puisque Claude Espiard de Lacour naîtra à Dijon le 29 juillet 1758.  Son frère, Philibert est également né à Dijon en 1662, mais non son dernier frère,  Guy-Auguste, né à Saulieu en 1666. Leur père, Claude Espiard de Clamerey semble avoir gardé une habitation à Saulieu où il mourra en 1699.

 Claude sera conseiller au Parlement de Dijon après son père et il résidera apparemment essentiellement à Dijon où il se marie et où naîtra son fils Claude- Bernard. Il épouse en 1680 la fille d'un parlementaire de Bresse, Philiberte-Constance Catin, dame de Genoux-en-Bresse qu'il n'a pu rencontrer qu'à Dijon. Il mourra en 1711, laissant Lacour à son fils aîné.

  Celui-ci, Claude Bernard Espiard de Lacour, baptisé à Dijon le 18 décembre 1687, succédera donc à son père et à son grand-père dans la charge de conseiller au parlement. Il vivra selon les mêmes modalités et épousera en 1714, à Dijon,  la fille d'un élu aux Etats Généraux de Bourgogne en 1706.[1]  Sa femme va mourir à trente et un ans en 1727, à Dijon, après avoir mis au monde son huitième enfant. Claude-Bernard, resté veuf, laissera en 1741, son siège de conseiller au parlement à son fils aîné. Ce fils aîné, Pierre-Bernard , né en 1715, épousera la fille d'un parlementaire, Barbe Fevret de Fontete le 14 juin 1750. Son père, à l'occasion de ce mariage, lui avait laissé "par anticipation" la terre et seigneurie de Lacour.

 Cependant Pierre-Bernard, représentant d'une quatrième génération de conseillers et de trois générations de noblesse, va mener un mode de vie moins austère que ses père et grand-père.  

 Nous avons, grâce aux recherches de Bernard Chevignard, un portrait de Pierre-Bernard et de sa femme, dû à l'avocat Micault qui rédige un "Journal"  retraçant la chronique mondaine dijonnaise à l'époque de ce mariage. Ce document manuscrit, gardé et inventorié par la Bibliothèque Municipale de Dijon, [2] fait la joie des historiens locaux et Bernard Chevignard m'en a communiqué quelques éléments :"

 "C'est un homme de trente cinq ans, qui a beaucoup d'esprit et de mérite, mais qui a donné dans de grands égarements ; les passions du jeu,  du vin et des femmes, auxquelles il s'est livré sans réserve, lui ont fait faire de fréquents écarts, mais on l'en croit un peu corrigé et l'on espère que le mariage l'en retirera entièrement. Mme sa femme est une personne de 37 ou 38 ans qui a beaucoup d'esprit et de raison, elle n'est ni jolie, ni laide et elle est assez aimable."

La femme de Pierre-Bernard meurt le 12 mai 1756," d'un squirre, après avoir beaucoup souffert pendant deux mois de douleurs inouïes. C'était une femme qui avait beaucoup de mérite et qui a été fort regrettée."

 Pierre-Bernard va mourir peu après, le 17 mars 1757, "d'une maladie vénérienne invétérée.[...] M. de Lacour était un homme d'esprit et de mérite qui a été fort regretté. Il avait donné dans de terribles écarts, et il avait poussé toutes les débauches jusqu'au dernier période ; il est l'auteur d'un livre moral intitulé "Pensées philosophiques", imprimé à Dijon. [1749].

 Pierre-Bernard, libertin et philosophe, meurt donc sans descendance, le 13 mars 1757, faisant de son père, par testament, son héritier universel.

Claude-Bernard a un deuxième fils, mais celui-ci, Claude-Antoine, a été orienté vers la carrière ecclésiastique : il est vicaire général et doyen de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon. Il n'a pas fait vœux de pauvreté et son père lui a laissé la seigneurie de Blanot ainsi que celle de Genoux en Bresse.

 Ce vieux conseiller au parlement va alors se livrer à une démarche surprenante.

 En octobre 1757, six mois après la mort de son fils, Claude-Bernard, qui a près de soixante dix ans, épouse Jeanne-Geneviève Pioret.[3].  Micault note le 16 novembre suivant dans son "Journal" :" Melle Pioret est une jeune personne de 22 ou 23 ans, de fort jolie figure, ayant de l'esprit et du mérite, et de l'éducation. Elle est fille de M.Pioret, valet de chambre de Madame Adélaïde. Cet homme s'est retiré du service de cette princesse avec 20000 livres ou environ de bien, il est de très basse naissance, et on a été fort surpris que M. de Lacour eût fait ce mariage. M. de Lacour ayant mené peu de temps après Mme sa femme à Dijon, elle a été fort bien reçue dans sa famille et dans les bonnes compagnies de la ville, où elle a été présentée par Mme Bouhier , sa belle-soeur."

 La belle-sœur de cette jeune femme de 23 ans, sœur de Claude-Bernard, est Anne-Augustine Espiard de Lacour, née en 1695, qui a donc soixante deux ans à cette époque. Elle  avait épousé en 1719 Bénigne Bouhier, un parlementaire. On trouvera en encadré quelques précisions sur la famille Bouhier.

 

La préfecture de Dijon

n

Bénigne Bouhier, époux d'Anne-Augustine Espiard de Lacour, seigneur de  Fontaine-les-Dijon et Pouilly, brigadier des armées du roi, hérite en 1756 de Jean de Berbisey, son cousin. Il utilise ce confortable legs pour l'achat de l'hôtel de Brion à Dijon, dans le but d'y construire une nouvelle demeure. Il commence par raser les anciennes constructions, et fait appel à un jeune architecte parisien, élève de  Blondel, Nicolas Lenoir.

D'après des indications tirées de différents documents, on peut suivre l'évolution des travaux : de 1757 à 1759, les travaux avancent rapidement, et le 5 juin 1760, le Saint-Sacrement est installé dans son reposoir. Mais le 10 juin 1760, Bénigne Bouhier meurt, après avoir habité cinq semaines seulement dans son nouvel hôtel.

Son fils Bénigne en hérite, et n'a plus qu'à faire édifier le portail. Le marché de construction est passé le 3 juillet 1760, avec les sieurs Perrot, entrepreneur, et Barolet, sculpteur. Bénigne Bouhier, fils, né en 1723, président au parlement, avait reçu de son cousin, Antoine-Bernard Bouhier, le marquisat de Lantenay, ce qui explique le nom donné à la demeure, l'hôtel de Lantenay. Mais il n'y habite pas, seule sa mère, Anne-Augustine Espiard [de Lacour] y réside jusqu'à sa mort en février 1770. L'hôtel est alors divisé et loué en quatre appartements, puis vendu.

 Les Élus de Bourgogne, qui ont accepté de prendre en charge l'achat d'une habitation pour l'Intendant, concluent l'achat de l'hôtel le 2 juillet 1781, pour 150 000 livres payables en rente perpétuelle. La Révolution verra plusieurs affectations de cet hôtel. Bonaparte y passe la nuit du 17 floréal (7 mai 1800), et dix jours plus tard, prend un arrêté consulaire qui octroie l'hôtel au préfet. C'est en 1811 que l'acte de cession au département est signé. L'hôtel de Lantenay est devenu la préfecture de Dijon.

 Après ce mariage improbable , Claude-Bernard aura ainsi une première fille, Anne-Augustine Espiard de Lacour, qui naît en 1760, suivie d'une seconde fille, Victoire-Bénigne en 1761. Une troisième fille naîtra en 1763 mais mourra à un an. La sœur de Claude-Bernard semble avoir été la marraine d'Anne-Augustine si l'on se fie à leurs prénoms identiques.

Dans l’histoire de Lacour de Baudiau, il est écrit que Claude Bernard et Jeanne Pioret n’auraient pas eu de postérité. En réalité, ils n'ont pas eu de postérité masculine et c'est un point important de notre histoire.

 
Arbre généalogique

 Pierre, 1561-1627, bailli de Saulieu                                       Claude, seigneur de Saulx, 1573-1631

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|Zacharie  1592-1680                             Abbé Claude Espiard 1595-1678

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|                                                                |                                               |

Claude Espiard de Clamerey     Guy-Auguste E. de Varennes     Jacques-Auguste E. de Vernot

 1623-1699                                         1629-1726                              1639-1722

Conseiller au parlement de Dijon                                                  Conseiller eu parlement de Dijon

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|                                       |                                           |

Claude E. de Lacour    Philibert E. de Mâcon    Guy-Auguste E. de Clamerey

1658-1711                         1662-1745                 1666-..., conseiller au parlement de Metz

Conseiller au parlement de Dijon

|

Claude-Bernard, 1687-1768

Conseiller au parlement de Dijon

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|                                                                                        |

Pierre Bernard, 1715-1757                                           Anne-Augustine, 1760-1827

Conseiller au parlement de Dijon

 

   Baudiau nous indique en effet que Lacour a été légué à son neveu par l’abbé Espiard Lacour  « avec substitution à ses enfants mâles à perpétuité ».

  « […]Le nouveau seigneur […]   commença la construction du château qu'il n'eut pas le temps d'achever. Par son testament, en 1668, il institua son héritier universel, son neveu, Claude Espiard, seigneur de Clamerey, de Promenois, de Blanot et de Guise, avec substitution à ses enfants mâles, à perpétuité. »[4] 

  Cette clause avait une signification précise dans l’ancien régime : l'abbé avait voulu donner Lacour à ses condition. Cette terre, destinée à illustrer et conserver le nom et les armes de la famille Espiard, ne pourrait donc se transmettre que par voie masculine, "étant en mon intention que ladite Terre soit conservée entière en ma famille sans être partagée, ni les choses comprises en ladite institution ou substitution."[5] "

 Il avait donc prévu que Lacour , tout comme le royaume de France , ne puisse transmettre par les femmes. En ce qui concerne le royaume de France, il était admis depuis 1328 qu'en cas d’absence de descendance masculine dans une branche royale, il fallait remonter l’ascendance puis la redescendre jusqu’à trouver une filiation en ligne masculine issue de l'ancêtre fondateur. C'est ainsi que Henri IV avait été appelé à régner, comme descendant de Saint Louis par les hommes.  

 

Mais le droit avait évolué, en dehors des règles de la dévolution du royaume de France, et l'abbé était limité dans ses ambitions par la législation en vigueur qui voulait que les enfants, filles ou garçons, héritent de leurs parents. Une exception était toutefois tolérée, sous l'influence du droit romain, revenu en force au  XVème siècle. L'instauration d'une clause de substitution, lors d'un legs ou d'une donation, revenait à désigner par avance l'héritier, parfois encore à naître, qui serait appelé à recevoir, par substitution, ce bien donné ou légué à au   gratifié initial. Un tel bien devenait de ce fait inaliénable et insaisissable  puisque destiné au bénéficiaire de la substitution après la mort du donataire ou du légataire.

 

Assez vite, il était devenu de mode d'instaurer des substitutions "à l'infini", c'est à dire des substitutions en cascade et pour un temps non précisé, afin d'assurer, par exemple à l'aîné d'une famille, les revenus nécessaires pour illustrer l'éclat de celle-ci. Devant la multiplication des procès et le gel des biens immobiliers qui avaient résulté de ces clauses "à l'infini", les légistes royaux avaient cependant instauré une limite depuis le XVIème siècle. La substitution ainsi instaurée n'était valable que pour deux transmissions après celle du donataire. On disait qu'elle n'était admise que jusqu' à deux degrés. Le bien grevé d'une telle clause ayant été recueilli successivement par deux substitués, la substitution était éteinte, même si le donateur avait instauré une clause de perpétuité.    

 

Les substitutions

Dans le droit romain, la substitution était dénommée substitution fidéicommissaire et était la manière de régler indéfiniment l’avenir selon le goût du disposant. Initialement, celle-ci dépendait entièrement de la bonne foi du gratifié, venant du latin « fideicommissum » signifiant ce qui est confié à la bonne foi de quelqu’un (« fides » étant la confiance). Il s’agissait plutôt d’une prière pour que soit accompli ou donné quelque chose en faveur d’un tiers. Puis grâce à l’Empereur Auguste, cette charge devint obligatoire et donnait alors droit à une action du second gratifié contre le premier. Cette substitution fidéicommissaire a d’abord été simple, c'est-à-dire pour une durée limitée, puis a été conclue ensuite  à plusieurs degrés (c'est-à-dire au profit de plusieurs personnes successives).

Dans l’Ancien Droit, après avoir disparu, elles sont réapparues dans de nombreuses coutumes, aux XV-XVIème siècles, lors de la seconde renaissance du droit romain. Fréquemment utilisées par toutes les classes sociales, elles avaient cependant des objectifs divers : il s’agissait principalement d’éviter le morcellement du patrimoine, préserver l’autorité dans la famille, protéger un gratifié contre son inclination à la prodigalité. Mais ces substitutions répondaient aussi à un besoin politique : conserver une aristocratie riche et puissante. Ainsi une partie du patrimoine des nobles était frappée de substitutions de générations en générations, habituellement au profit de l’aîné mâle, ce qui avait pour conséquence de rendre les biens inaliénables et insaisissables. Cela avait pour finalité politique de consolider la noblesse et pour finalité économique d’exclure certains biens de la circulation.

Ces inconvénients étaient  extrêmement gênants et l’Ancien Droit a réagi  dès le XVIème siècle.

 

L'ordonnances d'Orléans en 1560, complétée par celle de Moulins en 1566, limitait les substitutions à deux degrés et cette prohibition des substitutions perpétuelles sera renouvelée par l’ordonnance de d’Aguesseau d’août 1747.

 

Voici le texte d'un juriste du XVIIIème siècle qui précise la jurisprudence.[6]

 

  

 Dans son testament, ouvert de son vivant en 1668, l'abbé écrit : "Je lègue à M. Claude Espiard, Conseiller au Parlement de Dijon, mon neveu, l'usufruit de la Terre et seigneurie de Lacour d'Arcenay, en quoi qu'elle puisse constituer [...]. Je lègue à Claude Espiard, fils de M. le Conseiller Espird mon neveu, la Terre et Seigneurie de Lacour d'Arcenay en quoi qu'elle puisse constituer [...].  Je substitue audit Claude Espiard mon petit-neveu son fils aîné, issu de légitime mariage, ladite Terre et acquisition, et audit fils aîné, son fils aîné issu semblablement de légitime mariage, et ainsi de mâle en mâle et d'aîné en aîné, et à défaut desdits mâles de la branche des aînés, à l'aîné mâle du nom et des armes des descendants dudit Claude à perpétuité et à l'infini [...]  "

 L'abbé lègue par ce texte la nue-propriété de Lacour à Claude Espiard de Lacour, 1658-1711, son petit-neveu, qui est alors âgé de dix ans et désigne donc, comme "premier substitué" le fils à venir de son petit-neveu. Il substitue ensuite l'aîné des descendants mâles de ce fils à venir, ce qui est encore légal, puis décide la même substitution à perpétuité et à l'infini , ce qui ne l'est plus. L'abbé savait très bien que la clause de perpétuité instaurée dans son testament n'était pas valable et c'est pour cette raison qu'il avait désigné un premier "substitué" encore à naître, dans l'espoir de conserver le plus longtemps possible Lacour, son château et ses revenus, à une famille du nom et des armes des Espiard.  

 Ce fils à venir de Claude Espiard de Lacour sera donc Claude-Bernard Espiard de Lacour, 1688- 1768. Il recevra Lacour comme prévu par le testament de l'abbé, ce qui représente un  premier degré de substitution. Cependant Claude-Bernard a donné Lacour, à son fils aîné lors du mariage de ce dernier en 1750, selon les dispositions de la substitution de 1668, donc par une donation mettant en oeuvre cette substitution. Pierre-Bernard a ainsi recueilli en tant que deuxième substitué ce bien frappé d'une clause de substitution. Il s'agit donc du deuxième degré de substitution permis par l'ordonnance d'Orléans. "Le fidéicommis ayant été recueilli successivement par deux des substitués, il est éteint et ne peut plus être demandé par celui qui se trouve en troisième degré", dit notre juriste du XVIIIème siècle.

Après deux transmissions d'un bien grevé d'une clause de substitution, celle-ci est éteinte, même si le testament de l'abbé prévoit le contraire.

 

Pierre-Bernard, le fils de Claude-Bernard, pouvait disposer librement de ses biens et la propriété de Lacour, en particulier n'était plus grevée d'une clause substitution puisque celle-ci s'était trouvée éteinte après qu'il l'eût reçue de son père. Nous avons vu que Pierre-Bernard meurt sans descendance en mars 1757, laissant un testament qui institue son père comme son héritier universel.

 C'est donc en vertu de ce testament et non en application de la clause de substitution que Claude-Bernard a est redevenu propriétaire de Lacour. 

 Cependant l'abbé avait prévu le cas où le fils à venir de Claude Espiard de Lacour, ou ses descendants n'auraient pas de descendance mâle. Il désigne en effet, dans son testament, un autre substitué, appelé, lui ou sa descendance, à recevoir Lacour dans cette hypothèse. Il s'agit de Jacques-Auguste Espiard de Vernot, né en 1639, demi-frère par son père de Claude Espiard de Clamerey, également neveu de l'abbé..  

 

La suite du testament de l'abbé indique en effet : "[...] et où ledit Claude mourroit sans enfants, ou ses enfans et descendans mâles aussi sans enfans mâles issus de légitime mariage , [...] en ce cas, je substitue M. Jacques-Auguste Espiard, conseiller au Parlement, mon neveu, et à lui son fils aîné et ainsi d'aîné en aîné et de mâles en mâles de lui descendants et qui se trouveront suivant l'ordre de primogéniture à l'infini [...]

L'abbé teste pour l'éternité, "à l'infini" sans se soucier des ordonnances royales et des deux degrés qui limitent cette clause de substitution, mais dans ce cas précis, on peut plaider que Jacques-Auguste est "second substitué" après Claude-Bernard qui était "premier substitué" et qui n'a plus de descendance masculine.

 Claude-Bernard en est conscient et c'est sans doute dans l'espoir de transmettre son héritage à un fils qu'il se remarie en 1757, sans réussir dans ses espérances puisqu'il n'aura que des filles.  

 Claude-Bernard Espiard de Lacour meurt donc en janvier 1768, sans descendance mâle.

 L'avocat Micault note dans son "Journal" :"Il laisse une jeune et jolie veuve, dame Pioret, qu'il avait épousé par amourette et dont il a deux charmantes petites demoiselles de 7 ou 8 ans qui ne seront pas trop riches."  Il raisonnait en homme de loi et savait sans doute que le testament de l'abbé réservait bien des causes de chicane. Comme on pouvait s'y attendre devant une situation aussi embrouillée, plusieurs procès en substitution sont alors engagés, dont l'un semble avoir duré jusqu'en 1794.

 Nous avons vu que Claude-Bernard Espiard de Lacour, premier substitué, a donné ce bien à son fils, second substitué.  Nous avons également suggéré que la clause de substitution s'est éteinte en 1750 lors de la transmission de Lacour par Claude-Bernard à son fils, puisqu'il s'agit de la deuxième et dernière transmission grevée de substitution. La mort sans enfant du fils de Claude-Bernard, second substitué, en qui s'était éteinte la clause de substitution,  peut-elle ressusciter cette clause de substitution ? Auguste Louis Zacharie Espiard d'Allerey[7], petit-fils de Jacques-Auguste Espiard de Vernot, va revendiquer cette qualité de second substitué et réclamer Lacour en justice en vertu du le testament de l'abbé Espiard.

  Il n'est pas évident que le droit soit de son côté, mais il est, sans doute, assez riche pour espérer gagner ce procès à l'usure. Dans un premier temps, Anne-Augustine Espiard de Lacour est une orpheline, privée des recours qu'auraient pu lui ménager son père. Le mariage que nous allons la voir contracter avec Jean-Baptiste Espiard de Mâcon ne lui apportera guère d'atouts dans ce domaine puisque les Espiard de Mâcon ne sont pas des parlementaires et ne disposent pas d'appuis à Dijon.   

Ce portrait est-t-il celui de Pierre Espiard-Humbert ou celui de son fils, Auguste-Louis-Zacharie Espiard d'Allerey  qui revendique Lacour ?  La question n'est pas tranchée, mais on voit sur ce tableau que les Espiard étaient des personnages considérables. Allerey sera restitué à la soeur d'Auguste-Louis-Zacharie, madame de Richardot, et passera aux mains de la famille de Menthon, puis à celle de Maistre qui possédait ce tableau en 1951.

Vingt ans plus tard le seigneur d'Allerey[8] n'a toujours pas eu gain de cause mais  le fait est, qu'à défaut de pouvoir gagner son procès, il a accumulé les recours pour le faire durer le plus longtemps possible.

Les avocats plaideront pendant près de d'un quart de siècle et ce procès n'est pas encore jugé au début de la Révolution. Les archives départementales de Côte d'Or et de la Saône et Loire[9] en conservent de multiples traces dans leurs cartons et son issue reste incertaine jusqu'en 1794.

L'histoire d'Auguste-Louis-Zacharie Espiard d'Allerey va cependant se terminer de manière tragique.

  Emprisonné comme suspect au cours de la Révolution, Auguste Louis Zacharie Espiard d'Allerey, qui n'a pas d'enfants, sera guillotiné le 20 avril 1794. Peu auparavant, le 22 mars 1794, la Convention avait aboli rétroactivement toutes les substitutions. Le procès en substitution n'est apparemment pas encore jugé à cette date et la cause qu'il défendait perd dès lors toute justification. S'il y a d'autres membres masculins de la famille Espiard d'Allerey, ils n'ont plus de droits à faire valoir.

 

Note : Le testament de l'abbé Espiard

 Disposition testamentaires du 1er juillet 1668, déposées chez Me Larmier, notaire à Saulieu, , puis ouvertes et lues en la Chancellerie de Semur le 7 mars1669.

 "Je lègue à M. Claude Espiard, Conseiller au Parlement de Dijon, mon neveu, l'usufruit de la Terre et seigneurie de Lacour d'Arcenay, en quoi qu'elle puisse constituer [...]. Je lègue à Claude Espiard, fils de M. le Conseiller Espird mon neveu, la Terre et Seigneurie de Lacour d'Arcenay en quoi qu'elle puisse constituer [...]. Je substitue audit Claude Espiard mon petit-neveu son fils aîné, issu de légitime mariage, ladite Terre et acquisition, et audit fils aîné, son fils aîné issu semblablement de légitime mariage, et ainsi de mâle en mâle et d'aîné en aîné, et à défaut desdits mâles de la branche des aînés, à l'aîné mâle du nom et des armes des descendants dudit Claude à perpétuité et à l'infini ; et où ledit Claude mourroit sans enfants, ou ses enfans et descendans mâles aussi sans enfans mâles issus de légitime mariage (ce qu'à Dieu ne plaise), en ce cas, je substitue M. Jacques-Auguste Espiard, conseiller au Parlement, mon neveu, et à lui son fils aîné et ainsi d'aîné en aîné et de mâles en mâles de lui descendans et qui se trouveront suivant l'ordre de primogéniture à l'infini, déclarant ceux des descendants desdits Claude et Jacques-Auguste Espiard mes neveux qui seront Ecclésiastiques et aux Ordres sacrés exclus de la présente institution, et néanmoins je veux et entends que mon dit petit-neveu Claude Espiard fils de M. le Conseiller  Espiard, en quelque état qu'il soit, puisse jouir de la présente institution, et étant en mon intention que ladite Terre soit conservée entière en ma famille sans être partagée, ni les choses comprises en ladite institution ou substitution."[10] "  

 

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[1] Marguerite-Marie Tapin de Perigny en 1714

[2] B.M. Dijon,  ms, 742, 15 juin 1750

[3]Contrat de mariage du 15 octobre 1757, Dalier, notaire à Lyon. Renseignements fournis par Bernard Chevignard.

[4] Baudiau : « Le Morvand ».

[5]Dispositions testamentaires datées du 1er juillet 1668 et déposées chez Me Larmier, notaire à Saulieu, puis ouvertes et lues en la chancellerie de Semur le 7 mars 1669 : B.M. Dijon, fonts Saverot 16, vol. 52, p. 786-790

[6] Traité des successions par André Barrigue de Montvallon, 1780, tome II, p. 92

[7]

[8] Allerey se trouve en Saône et Loire.

[9] Alllerey se trouve en Saône-et-Loire

[10]Dispositions testamentaires datées du 1er juillet 1668 et déposées chez MeLarmier, notaire à Saulieu, puis ouvertes et lues en la chancellerie de Semur le 7 mars 1669 : B.M. Dijon, fonts Saverot 16, vol. 52, p. 786-790