Histoire de la famille de Thy et du château de Lacour
(Transcription du manuscrit d'Emmanuelle de Thy)
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Nous avons laissé Claude Espiard de Lacour,
jeune marié et heureux propriétaire de Lacour. On peut penser qu'il ne
s'y rendait qu'à la belle saison. Ses parents se sont mariés en 1652 à
Saulieu, mais son père, conseiller au parlement de Dijon depuis 1653,
avait sans doute une habitation à proximité du parlement puisque Claude
Espiard de Lacour naîtra à Dijon le 29 juillet 1758. Son
frère, Philibert est également né à Dijon en 1662, mais non son
dernier frère, Guy-Auguste, né
à Saulieu en 1666. Leur père, Claude Espiard de Clamerey semble avoir
gardé une habitation à Saulieu où il mourra en 1699. Claude
sera conseiller au Parlement de Dijon après son père et il résidera
apparemment essentiellement à Dijon où il se marie et où naîtra son
fils Claude- Bernard. Il épouse en 1680 la fille d'un parlementaire de
Bresse, Philiberte-Constance Catin, dame de Genoux-en-Bresse qu'il n'a pu
rencontrer qu'à Dijon. Il mourra en 1711, laissant Lacour à son fils aîné. La
femme de Pierre-Bernard meurt le 12 mai 1756," d'un squirre, après
avoir beaucoup souffert pendant deux mois de douleurs inouïes. C'était
une femme qui avait beaucoup de mérite et qui a été fort regrettée." Pierre-Bernard
va mourir peu après, le 17 mars 1757, "d'une maladie vénérienne
invétérée.[...] M. de Lacour était un homme d'esprit et de mérite qui
a été fort regretté. Il avait donné dans de terribles écarts, et il
avait poussé toutes les débauches jusqu'au dernier
période ; il est l'auteur d'un livre moral intitulé "Pensées
philosophiques", imprimé à Dijon. [1749]. Claude-Bernard
a un deuxième fils, mais celui-ci, Claude-Antoine, a été orienté vers
la carrière ecclésiastique : il est vicaire général et doyen de la
cathédrale Saint-Bénigne de Dijon. Il n'a pas fait vœux de pauvreté et
son père lui a laissé la seigneurie de Blanot ainsi que celle de Genoux
en Bresse. La
préfecture de Dijon n
Bénigne
Bouhier, époux d'Anne-Augustine Espiard de Lacour, seigneur de
Fontaine-les-Dijon et Pouilly, brigadier
des armées du roi, hérite en 1756 de Jean de Berbisey, son cousin. Il
utilise ce confortable legs pour l'achat de l'hôtel de Brion à Dijon,
dans le but d'y construire une nouvelle demeure. Il commence par raser
les anciennes constructions, et fait appel à un jeune architecte
parisien, élève de
Blondel, Nicolas Lenoir. D'après
des indications tirées de différents documents, on peut suivre l'évolution
des travaux
: de 1757 à 1759, les travaux
avancent rapidement, et le 5 juin 1760, le Saint-Sacrement est installé
dans son reposoir.
Mais le 10 juin 1760, Bénigne
Bouhier meurt, après avoir habité cinq semaines seulement dans son
nouvel hôtel. Son
fils Bénigne en hérite, et n'a plus qu'à faire édifier le portail.
Le marché de construction est passé le 3 juillet 1760, avec les sieurs
Perrot, entrepreneur, et Barolet, sculpteur. Bénigne Bouhier, fils, né
en 1723, président au parlement, avait reçu de son cousin,
Antoine-Bernard Bouhier, le marquisat de Lantenay, ce qui explique le
nom donné à la demeure, l'hôtel de Lantenay. Mais il n'y habite pas,
seule sa mère, Anne-Augustine Espiard [de Lacour] y réside jusqu'à sa
mort en février 1770. L'hôtel est alors divisé et loué en quatre
appartements, puis vendu.
Les
Élus de Bourgogne, qui ont accepté de prendre en charge l'achat d'une
habitation pour l'Intendant, concluent l'achat de l'hôtel le 2 juillet
1781, pour 150 000 livres payables en rente perpétuelle.
La Révolution verra plusieurs
affectations de cet hôtel. Bonaparte
y passe la nuit du 17 floréal (7 mai 1800), et dix jours plus tard,
prend un arrêté consulaire qui octroie l'hôtel au préfet. C'est en
1811 que l'acte de cession au département est signé. L'hôtel de
Lantenay est devenu la préfecture de Dijon. Dans
l’histoire de Lacour de Baudiau, il est écrit que Claude Bernard et
Jeanne Pioret n’auraient pas eu de postérité. En réalité, ils n'ont
pas eu de postérité masculine et c'est un point important de notre
histoire.
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| |Zacharie
1592-1680
Abbé Claude Espiard 1595-1678 ________________________________________________________ |
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| Claude
Espiard de Clamerey
Guy-Auguste E. de Varennes
Jacques-Auguste E. de Vernot 1623-1699
1629-1726
1639-1722 Conseiller
au parlement de Dijon
Conseiller eu parlement de Dijon __________________________________________ |
|
| Claude
E. de Lacour Philibert
E. de Mâcon Guy-Auguste
E. de Clamerey 1658-1711
1662-1745
1666-..., conseiller au parlement de Metz Conseiller
au parlement de Dijon | Claude-Bernard,
1687-1768 Conseiller
au parlement de Dijon ____________________________________________ |
| Pierre
Bernard, 1715-1757
Anne-Augustine, 1760-1827 Conseiller
au parlement de Dijon Mais le droit avait évolué, en
dehors des règles de la dévolution du royaume de France, et l'abbé était
limité dans ses ambitions par la législation en vigueur qui voulait que
les enfants, filles ou garçons, héritent de leurs parents. Une exception
était toutefois tolérée, sous l'influence du droit romain, revenu en
force au XVème siècle.
L'instauration d'une clause de substitution, lors d'un legs ou
d'une donation, revenait à désigner par avance l'héritier, parfois
encore à naître, qui serait appelé à recevoir, par substitution,
ce bien donné ou légué à au
gratifié initial. Un tel bien devenait de ce fait inaliénable et
insaisissable puisque destiné
au bénéficiaire de la substitution après la mort du donataire ou du légataire. Assez vite, il était devenu de mode
d'instaurer des substitutions "à l'infini", c'est à
dire des substitutions en cascade et pour un temps non précisé,
afin d'assurer, par exemple à l'aîné d'une famille, les revenus nécessaires
pour illustrer l'éclat de celle-ci. Devant la multiplication des procès
et le gel des biens immobiliers qui avaient résulté de ces clauses
"à l'infini", les légistes royaux avaient cependant instauré
une limite depuis le XVIème siècle. La substitution ainsi instaurée
n'était valable que pour deux transmissions après celle du donataire. On
disait qu'elle n'était admise que jusqu' à deux degrés. Le bien
grevé d'une telle clause ayant été recueilli successivement par deux
substitués, la substitution était éteinte, même si le donateur
avait instauré une clause de perpétuité.
Les
substitutions Dans
le droit romain, la substitution était dénommée substitution fidéicommissaire
et était la manière de régler indéfiniment l’avenir selon le goût
du disposant. Initialement, celle-ci dépendait entièrement de la bonne
foi du gratifié, venant du latin « fideicommissum »
signifiant ce qui est confié à la bonne foi de quelqu’un (« fides »
étant la confiance). Il s’agissait plutôt d’une prière pour que
soit accompli ou donné quelque chose en faveur d’un tiers. Puis grâce
à l’Empereur Auguste, cette charge devint obligatoire et donnait
alors droit à une action du second gratifié contre le premier. Cette
substitution fidéicommissaire a d’abord été simple, c'est-à-dire
pour une durée limitée, puis a été conclue ensuite
à plusieurs degrés (c'est-à-dire au profit de plusieurs
personnes successives). Dans
l’Ancien Droit, après avoir disparu, elles sont réapparues dans de
nombreuses coutumes, aux XV-XVIème siècles, lors de la seconde
renaissance du droit romain. Fréquemment utilisées par toutes les
classes sociales, elles avaient cependant des objectifs divers : il
s’agissait principalement d’éviter le morcellement du patrimoine,
préserver l’autorité dans la famille, protéger un gratifié contre
son inclination à la prodigalité. Mais ces substitutions répondaient
aussi à un besoin politique : conserver une aristocratie riche et
puissante. Ainsi une partie du patrimoine des nobles était frappée de
substitutions de générations en générations, habituellement au
profit de l’aîné mâle, ce qui avait pour conséquence de rendre les
biens inaliénables et insaisissables. Cela avait pour finalité
politique de consolider la noblesse et pour finalité économique
d’exclure certains biens de la circulation. Ces
inconvénients étaient extrêmement
gênants et l’Ancien Droit a réagi
dès le XVIème siècle.
L'ordonnances
d'Orléans en 1560, complétée par celle de Moulins en 1566, limitait
les substitutions à deux degrés et cette prohibition des substitutions
perpétuelles sera renouvelée par l’ordonnance de d’Aguesseau
d’août 1747. Voici
le texte d'un juriste du XVIIIème siècle qui précise la
jurisprudence.[6]
Dans
son testament, ouvert de son vivant en 1668, l'abbé écrit : "Je
lègue à M. Claude Espiard, Conseiller au Parlement de Dijon, mon neveu,
l'usufruit de la Terre et seigneurie de Lacour d'Arcenay, en quoi qu'elle
puisse constituer [...]. Je lègue à Claude Espiard, fils de M. le
Conseiller Espird mon neveu, la Terre et Seigneurie de Lacour d'Arcenay en
quoi qu'elle puisse constituer [...]. Je
substitue audit Claude Espiard mon petit-neveu son fils aîné, issu de légitime
mariage, ladite Terre et acquisition, et audit fils aîné, son fils aîné
issu semblablement de légitime mariage, et ainsi de mâle en mâle et d'aîné
en aîné, et à défaut desdits mâles de la branche des aînés, à l'aîné
mâle du nom et des armes des descendants dudit Claude à perpétuité et
à l'infini [...] " Après deux transmissions d'un bien
grevé d'une clause de substitution, celle-ci est éteinte, même
si le testament de l'abbé prévoit le contraire. Pierre-Bernard,
le fils de Claude-Bernard, pouvait disposer librement de ses biens et la
propriété de Lacour, en particulier n'était plus grevée d'une clause substitution
puisque celle-ci s'était trouvée éteinte après qu'il l'eût reçue de
son père. Nous avons vu que Pierre-Bernard meurt sans descendance en mars
1757, laissant un testament qui institue son père comme son héritier
universel. C'est
donc en vertu de ce testament et non en application de la clause de substitution
que Claude-Bernard a est redevenu propriétaire de Lacour.
La
suite du testament de l'abbé indique en effet : "[...] et où
ledit Claude mourroit sans enfants, ou ses enfans et descendans mâles
aussi sans enfans mâles issus de légitime mariage , [...] en ce cas, je
substitue M. Jacques-Auguste Espiard, conseiller au Parlement, mon neveu,
et à lui son fils aîné et ainsi d'aîné en aîné et de mâles en mâles
de lui descendants et qui se trouveront suivant l'ordre de primogéniture
à l'infini [...] L'abbé
teste pour l'éternité, "à l'infini" sans se soucier
des ordonnances royales et des deux degrés qui limitent cette clause de
substitution, mais dans ce cas précis, on peut plaider que
Jacques-Auguste est "second substitué" après
Claude-Bernard qui était "premier substitué" et qui
n'a plus de descendance masculine. Claude-Bernard
Espiard de Lacour meurt donc en janvier 1768, sans descendance mâle. L'avocat
Micault note dans son "Journal" :"Il laisse une jeune et
jolie veuve, dame Pioret, qu'il avait épousé par amourette et dont il a
deux charmantes petites demoiselles de 7 ou 8 ans qui ne seront pas trop
riches." Il
raisonnait en homme de loi et savait sans doute que le testament de l'abbé
réservait bien des causes de chicane. Comme on pouvait s'y attendre
devant une situation aussi embrouillée, plusieurs procès en
substitution sont alors engagés, dont l'un semble avoir duré
jusqu'en 1794.
Vingt
ans plus tard le seigneur d'Allerey[8]
n'a toujours pas eu gain de cause mais
le fait est, qu'à défaut de pouvoir gagner son procès, il a
accumulé les recours pour le faire durer le plus longtemps possible. Les
avocats plaideront pendant près de d'un quart de siècle et ce procès
n'est pas encore jugé au début de la Révolution. Les archives départementales
de Côte d'Or et de la Saône et Loire[9]
en conservent de multiples traces dans leurs cartons et son issue reste
incertaine jusqu'en 1794. L'histoire
d'Auguste-Louis-Zacharie Espiard d'Allerey va cependant se terminer de
manière tragique. Note
: Le testament de l'abbé Espiard
[1]
Marguerite-Marie Tapin de Perigny en 1714 [2]
B.M. Dijon, ms, 742, 15
juin 1750 [3]Contrat
de mariage du 15 octobre 1757, Dalier, notaire à Lyon. Renseignements
fournis par Bernard Chevignard. [4]
Baudiau : « Le Morvand ». [5]Dispositions
testamentaires datées du 1er juillet 1668 et déposées chez Me
Larmier, notaire à Saulieu, puis ouvertes et lues en la chancellerie
de Semur le 7 mars 1669 : B.M. Dijon, fonts Saverot 16, vol. 52, p.
786-790 [6]
Traité
des successions par André Barrigue de Montvallon, 1780, tome II, p.
92 [8]
Allerey se trouve en Saône et Loire. [9]
Alllerey se trouve en Saône-et-Loire [10]Dispositions
testamentaires datées du 1er juillet 1668 et déposées chez
MeLarmier, notaire à Saulieu, puis ouvertes et lues en la
chancellerie de Semur le 7 mars 1669 : B.M. Dijon, fonts Saverot 16,
vol. 52, p. 786-790
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