Histoire de la famille de Thy et du château de Lacour
(Transcription du manuscrit d'Emmanuelle de Thy)
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Pierre a six fils. L'aîné, avocat comme son
père, mourra dans descendance. Le second sera chanoine de Saint-Andoche
à Saulieu. Le troisième se trouvera déshérité pour cause de mésalliance.
Le quatrième, Zacharie notre ancêtre, 1592-1680, sera bailli de Saulieu,
seigneur de Varennes et de Vernot, maître d'hôtel du roi.
Le cinquième, Jacques, né en 1593 sera
Prieur de l'abbaye Saint-Pierre de Chalon-sur-Saône. Le
dernier enfin est Claude Espiard, né en 1595, aumônier ordinaire du roi,
abbé de saint-Pierre de Chalon, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon,
protonotaire apostolique. Il mourra en 1678, après avoir acquis Lacour en
1645 et commencé la construction du château. Zacharie
est maître d'hôtel du roi :Ce n'est qu'en 1682 que Louis XIV a
décidé du déménagement de sa cour, du Louvre où était sa résidence,
à Versailles, nouvellement construit. Le service de la "Bouche du
roi" dont nous avons la description est celui de Versailles, mais
il devait cependant exister auparavant, peut-être sur une échelle
moindre qu'il ne le sera par la suite.
A
Versailles, ce service est le plus important, en terme
de personnel, des départements de la "Maison du roi".Il
est dirigé par le premier
maître d'hôtel du roi et se compose de sept offices, tous touchant au
ravitaillement et à la cuisine pour la table du roi. Servent à la
bouche le maître d'hôtel ordinaire, les 12 maîtres d'hôtel servant
par quartier, le grand panetier, le
premier écuyer tranchant
et
le
grand échanson
(trois
offices devenus purement honorifiques depuis le début de l'époque
moderne), les 36 gentilshommes servants, etc.
Zacharie,
qui est bailli de Saulieu, doit sans doute servir "par
quartier", c'est à dire que, durant trois mois dans l'année, il
doit se trouver physiquement présent à Paris, au Louvre, pour effectuer
un service fatigant, dans des conditions de logement précaires. C'est en
raison de la pénibilité de cette situation qu'un tel roulement avait été
instauré. C'est sans doute ce service qui va lui permettre d' acquérir
plusieurs terres, celle de Varenne, celle de Vernot et, pour son fils aîné,
celle de Clamerey. C'est peut-être aussi ce qui va lui permettre
d'acheter pour deux de ses fils une charge de conseiller au parlement de
Dijon.. Son
frère Claude est aumônier ordinaire du roi. La maison ecclésiastique du
roi a pour chef le grand aumônier de France, le plus souvent un cardinal.
La Chapelle a la charge des messes et cérémonies religieuses (mariages,
baptêmes) et des aumônes du roi. Les autres officiers de la maison ecclésiastique
sont le premier aumônier, l'aumônier ordinaire, le maître de
l'oratoire, le confesseur du roi, etc. L'abbé
Espiard est également protonotaire apostolique. A l'origine, le
protonotaire est un notaire de la chancellerie romaine, qui reçoit et
expédie les actes administratifs. Ce titre est rapidement devenu une
distinction importante donnée à certains prélats, officiers du Saint
Siège. Il y avait sept protonotaires "participants" et
autant de des protonotaires "surnuméraires" . Etre
protonotaire apostolique participait de la plus haute dignité parmi les
prélats non évêques. Il existait en outre des protonotaires honoraires
ou titulaires, dont le titre était purement honorifique. On ne
saura pas si l'abbé Espiard était notaire de la chancellerie romaine
ou si son titre était seulement celui de
protonotaire honoraire ou titulaire, mais celui-ci
le plaçait juste en dessous de celui d'évêque.
L'abbé
Claude Espiard est certainement très riche alors qu'une simple carrière
ecclésiastique à cette époque ne suffit sans doute pas à faire
fortune. L'abbé Espiard est abbé de Saint Pierre de Chalon et chanoine
de Saint Bénigne de Dijon, mais ce ne sont pas les revenus
correspondants qui ont pu lui permettre d'acheter et de reconstruire
Lacour.
Une
lettre du troisième fils de Zacharie, l'abbé Guy-Auguste, évoque les
bénéfices[4]
que son oncle aurait pu lui fournir, "de l'ordre de douze à
quinze mille livres",[5]
correspondant peut-être à ceux d'un chanoine de Saint Bénigne. Un
parlementaire parisien un siècle plus tôt. recevait 65000 livres par
an.
.
Les revenus de l'abbé de Saint Pierre de Chalon s'élevaient à 25000
livres[6]
par an à la fin de l'Ancien Régime mais étaient moins élevés au
temps de l'abbé Espiard. L'abbaye de Saint Pierre de Chalon, à cette
époque, a du mal à recruter et se trouve en effet en difficulté
financière. Le frère de
l'abbé Espiard, Jacques, dont on ne connaît pas la date de décès est
Prieur dans cette abbaye. Le prieur est le moine choisi par l'abbé
pour le seconder. Peut-être l'abbé Claude Espiard a-t-il été d'abord
prieur à la place de son frère décédé, puis élu abbé de
Saint-Pierre de Chalon.
Cependant
ce statut d'abbé d'un monastère le place à un rang élevé et c'est
sans doute ce qui lui permet de devenir aumônier ordinaire du roi. Cette
charge d'aumônier ordinaire du roi est certainement plus lucratives que
celle d'abbé de Saint-Pierre. Mais Claude est apparemment ambitieux et
parvient à se faire attribuer ce titre de protonotaire qui constitue une
marche de plus dans la carrière des honneurs ecclésiastiques. La
carrière de l'abbé Espiard s'est donc déroulée sous le patronage du
cardinal de Richelieu, puis sous celui de Mazarin. Le 5 décembre
1642,
lendemain de la mort de Richelieu, Mazarin est nommé Principal Ministre de l'État, comme
l'avait recommandé
Richelieu qui
voyait en lui son digne successeur.
Louis XIII l'avait
choisit comme parrain du dauphin, futur Louis
XIV, né en 1638. L'abbé Espiard, aumônier ordinaire du très jeune
Louis XIV, devait sans doute se trouver en bons termes avec le parrain du
dauphin, Mazarin. Le parcours de l'abbé a donc dû se trouver, de près
ou de loin, lié à celui de ce dernier. Mazarin meurt en 1661, après
avoir assuré sa propre fortune, qui est passée de 16000 livres de
revenus annuels en 1642 à 570000 livres lors de sa mort. Il a sans doute
également assuré celle de ceux qui l'avaient bien servi. En
1668, l'abbé Espiard est retiré du service, peut-être depuis la mort de
son protecteur, mais il avait déjà pu, dès 1645 acheter le domaine de
Lacour et engager les travaux de construction du nouveau château. On
voit donc les deux derniers fils de Pierre Espiard, Zacharie et l'abbé
Espiard, remplir des emplois à la cour de Louis XIV, participer à la vie
de la noblesse de cour et faire fortune pour plusieurs générations. Zacharie a acheté en 1652 une charge de
conseiller au parlement pour son fils aîné, Claude, né en 1623, qui
sera également doté de la terre de Clamerey.
Pierre,
1561-1627, bailli de Saulieu
Claude, seigneur de Saulx, 1573-1631 ____________________________________________ |
| Zacharie,
1592-1680
Claude, 1595-1678, aumônier ordinaire du roi Bailli
de Saulieu ________________________________________________________ |
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| Claude
Espiard de Clamerey
Guy-Auguste E. de Varennes
Jacques-Auguste E. de Vernot 1623-1699
1629-1726
1639-1722 Conseiller
au Parlement de Dijon
Conseiller au Parlement de Dijon |
| Claude
Espiard de Lacour
Pierre
Espiard-Humbert d'Allerey 1658-1711
1683- 1766 Conseiller
au Parlement de Dijon
Conseiller au
Parlement de Dijon Ces regrets sont quelque peu hypocrites, car
Zacharie a trois fils et non deux et il semble avoir oublié au passage
que la coutume de Bourgogne prévoyait l'égalité entre les enfants dans
la succession de leurs parents. Une
vocation peu évidente. Guy-Auguste
Espiard On
peut se demander, puisque Zacharie a trois fils et non deux, pourquoi il
ne parle pas dans son testament, de Guy-Auguste, frère de Claude et
demi-frère de Jacques-Auguste. Guy-Auguste avait été destiné par son
père à une carrière ecclésiastique. Bernard Chevignard, qui s'est
penché sur cette question, écrit :"Celui-ci n'avait aucunement la
vocation et cherchait désespérément à se faire relever de ses
engagements ecclésiastiques, comme le montre son mémoire intitulé : "Les
véritables causes qui m'ont forcé et contraint à prendre l'ordre de
soubsdiacre et de diacre":[8]"
dont voici quelques extraits. Claude Espiard de Clamerey, 1623-1699, fils aîné
de Zaccharie, né et marié à Saulieu sera ainsi le premier conseiller au
parlement de la famille. La charge de conseiller est achetée sur présentation
et pour un prix considérable. Louis XIV avait tellement augmenté le prix
des charges que certaines ne trouvaient pas preneur, mais celles de
conseiller au Parlement restait très demandée. Aux
Etats Généraux de 1614, les nobles exigent l'abolition de la paulette,
une mesure financière prise en 1604, par Charles Paulet, ministre de
Henri IV, et qui institue l'hérédité des charges moyennant une taxe
annuelle, système qui bénéficie à la bourgeoisie. En
février1615, les députés sont invités à rentrer chez eux. Le
roi leur dit que la vénalité des charges est abolie et que les
pensions sont diminuées. En -
réalité les pensions ne diminueront guère et la paulette ne
sera abolie qu'à la Révolution de 1789. La
charge de conseiller au parlement pouvait être transmise à la
descendance de ce dernier, moyennant une taxe annuelle et le versement
d'un droit de mutation à l'Etat,
mais les revenus qu’elle procurait étaient importants.
Nous avons parlé de 67000 livres par an en 1537 à Paris, sans
doute moins en province. Un certain niveau d’études était donc nécessaire
pour prétendre prendre la parole au sein du Parlement de Bourgogne et
ceux qui seront conseillers devront prendre des grades en droit. Une
telle charge, exercée pendant deux générations, permettait d’acquérir
la noblesse, noblesse de robe, puisque ce nom venait de la robe de
magistrat que les membres du Parlement portaient quand ils siégeaient.
Les nobles d'origine plus ancienne, issus de la noblesse d’épée, les
appelaient, par dérision, des robins. Entre
juin 1649 et juillet 1669, les présidents, conseillers, avocats etc...
acquièrent la noblesse " au premier degré", c'est à dire,
c'est à dire que leurs enfants ont directement le statut de noble, mais
ils sont remis à la noblesse "graduelle" ( ce qui signifie
que la noblesse est acquise après la deuxième génération de
conseillers) après cette date. (François Bluche et Pierre Dury,
l'Anoblissement par les charges avant 1789, Paris, I.C.C., 1998). Les
Espiard ont donc profité d'un créneau favorable qui permettra à tous
les fils de Claude Espiard de Clamerey, premier conseiller de la
famille, d'être considérés comme nobles. Philibert Espiard de Mâcon.,
fils de Claude Espaird de Clamerey, ne sera pas parlementaire, mais sera
considéré comme noble bien qu'il ne soit
pas issus de deux générations de membres du parlement.
Après Claude Espiard de Clamerey, son fils aîné prend donc le nom d’Espiard de Lacour et sera également conseiller au parlement Bourgogne. Les Espiard de Lacour le seront durant quatre générations jusqu’en 1768. Pierre
Espiard, 1561-1627, avocat au parlement de Dijon |
| Zacharie,
1592-1680, bailli de Saulieu
Claude, 1595-1678, aumônier ordinaire du roi |
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| Claude
E. de Clamerey
Guy-Auguste E. de Varennes
Jacques-Auguste E. de Vernot
1623-1699
1629-1726
1639-1722 Conseiller
au parlement de Dijon
Conseiller au parlement de Dijon |
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| Claude
E. de Lacour,
Philibert E; de Mâcon,
Guy-Auguste E. de Clamerey 1658-1711
1662-1745
1666- Conseiller
au parlement de Dijon
Conseiller au parlement de Metz | Claude-Bernard
Espiard de Lacour, 1687-1768 Conseiller
au parlement de Dijon Le
droit qui s’appliquait aux nobles leur était spécifique. Le droit
commun de la coutume de Bourgogne prévoyait, on l'a dit, l'égalité
entre les enfants dans la succession de leurs parents. On verra que Claude
Espiard de Clamerey, conseiller au parlement, dont les fils seront considérés
comme nobles, mais qui n'est pas encore noble lui-même, a été tenu de
disposer de sa fortune entre ses enfants de façon égalitaire, ce qui
n'aurait pas été le cas s'il avait appartenu à la noblesse.
On relève en effet que plusieurs de ses fils se marient, ce qui ne
serait peut-être pas advenu s'ils avaient relevé des règles de l'héritage
noble. Claude
Espiard de Clamerey a quarante cinq ans au moment où l'abbé Espiard lui
lègue l'usufruit de la propriété de Lacour dont la nue-propriété est
attribuée à son fils aîné,
Claude, 1658-1711 qui a alors dix ans. Ce legs ne prendra effet que dix
ans plus tard, à la mort de l'abbé et peut-être Claude Espiard de
Clamerey a-t-il alors abandonné cet usufruit à son fils. Celui-ci se
marie en 1680, à vingt deux ans et recevra plus tard de son père la
charge de conseiller au parlement.
On
voit en effet Claude Espiard de Lacour signer de ce nom un acte en 1697.
Son père est encore en vie et semble signer ses actes du nom d’ Espiard
de Clamerey.
Registres
paroissiaux de Lacour en 1697 (Archives de Dijon) : signature de
Claude Espiard de Lacour Le deuxième fils de Claude Espiard
de Clamerey, Philibert Espiard épousera une héritière et prendra le nom
d’Espiard de Mâcon. Nous aurons à reparler de Philibert Espiard de Mâcon
dont le fils, Louis-Philibert, va nous retenir aux chapitres suivants. Guy
Auguste, troisième fils, sera conseiller au parlement de Metz et fera
souche également des Espiard de Clamerey, ce qui confirme que leurs
parents les avaient suffisamment dotés pour qu'ils puissent se marier.
Sur
les six filles de Claude Espiard de Lacour (1658-1711), une seule, Anne
Augustine, née en 1695, se mariera et épousera en 1717 Bénigne Bouhier,
un parlementaire. Les autres semblent vieillir au foyer paternel !
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