Histoire de la famille de Thy et du château de Lacour

(Transcription du  manuscrit d'Emmanuelle de Thy)

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Table des matières


 

Chapitre 1

 Préhistoire du village et de la maison-forte de Lacour

   

Carte de Lacour en 1752 (carte Cassini)

Voici une description de Lacour, due à la plume de Courtépée, l'historien de la Bourgogne[1] en 1781: "Arcennaium, village jadis annexe de Lacour, et peut-être l'église matrice, si on en juge par le vaste cimetière, où l'on a trouvé en 1774 plusieurs tombes creuses avec des têtes de morts, et six médailles d'argent du haut Empire, que le seigneur a bien voulu me donner. La chapelle, vocable de Saint Martin, possède des reliques de Saint Erembert, ou Crambert, l'évêque de Toulouse, mort sous le froc à Fontenelle ou Saint Vandrille près de Caudebec, en 678, natif de Poissy-sur-Seine. [...] Ancien ermitage de Saint Alembert, auquel le cardinal Rolin accorda des indulgences en 1456 et Jean de Châlon en 1488.

Dix huit feux, trois étangs. Ruisseau nommé Argentalai qui tombe dans le Serein. Au bois de Grignon, de 70 arpents, sont les vestiges d'un ancien château. Au dessous, étang et moulin, à Monsieur de Chanteau. Le château d'Arcenay  a été mal placé par Expilly en Nivernais ; de tout temps, il a été reconnu être en Bourgogne.

La Cour, la paroisse, est en Nivernais, vocable des Saints Innocents, à la coll. de l'Evêque d'Autun.[...]"

  Avant la Révolution, Lacour était une paroisse du Nivernais qui dépendait du grenier à sel de Vézelay pour la gabelle, l'impôt sur le sel, et relevait de la Cour des Comptes de Nevers sur le plan judiciaire et administratif. Dans le domaine religieux, l’évêché était celui d’Autun et l’archevêché celui de Langres. En 1777, la paroisse était sous le vocable de Saint Martin comme en témoigne l'acte de mariage d'Anne-Augustine Espiard de Lacour que l'on lira infra.

Le bois de Grignon indiqué par Courtépée  surplombe le moulin, dit de Lacour, qui appartient à M. de Chanteau en 1781. Chanteau est sur la route de Saulieu à six kilomètres de l'étang qui existait alors et M. de Chanteau devait être propriétaire de ce moulin où se rendaient les habitants de Lacour, moulin qui a peut-être été acheté par Louis de Comeau après 1836.

 Le nom de La Cour évoque évidemment une villa romaine, telle qu'il en a existé un grand nombre aux temps gallo-romains et jusqu'à l'époque de Charlemagne. Ces villas étaient équipées pour une vie presque autonome avec sans doute une forge, un maréchal-ferrant, des ateliers pour la confection de tous les outils nécessaires au travail des champs, des espaces dédiés à la culture du lin et du chanvre, une activité de filage et de tissage etc..

 Les Romains ont conquis l'Angleterre en 43 après J.C. et une route romaine, allant jusqu'au Pas-de-Calais, passait par Autun et Saulieu. Il existait, tout au long d'une voie romaine, des routes secondaires qui reliaient les villas à cette route. Peut-être une voie secondaire avait-elle été construite, à partir de Sainte-Isabelle, près de Montlay, en direction de la villa romaine dont on a retrouvé les traces à proximité de "La Croix de l'Homme Mort", puis à travers le bois de Maizière jusqu'au coude de la route de Molphey[2] et ensuite vers la villa de Lacour.

  Le haut Empire, de 27 avant J.C. à 235 après J.C. couvre une vaste période. On sait cependant que les grandes invasions, à partir de 410, n'ont pas détruit l'infrastructure préexistante que les conquérants ont utilisée à leur profit pendant les siècles suivants. La villa sise à Lacour a donc survécu, sans doute jusqu'à l'aube de la féodalité, sur un mode presque inchangé.

"Dans un bois voisin, au lieu-dit les Vignes, on a découvert des objets antiques, comme fragments de mosaïque, des colonnes, des tuiles à rebords, des débris de poterie et des médailles, indices certains de l'existence d'une villa romaine"[3]

Le lieu-dit "Les Vignes" indiqué par Courtépée semblait difficile à localiser puisque les cartes d'état-major ne le mentionnent pas, non plus que le cadastre.

Il existe un expertise, que nous évoquerons en son temps[4], qui fait l'inventaire des terres du domaine de Lacour lors de l'ouverture de la succession de Mathilde de Comeau. Elle apporte   des précisions qui sont malheureusement incomplètes car les numéros de cadastre indiqués ont changé. Cette expertise donne cependant, en sus de leurs localisation cadastrale obsolète, le nom des différentes terres et les situent les unes par rapport aux  autres.

 On y trouve, dans son article IX, la description du bâtiment la Grande Ferme et de sa chènevière et, à l'article suivant, celle du "Pré de la Vigne", pré d'un hectare, joignant d'un long le domaine, bâtiment et chènevière ,[de la Grande Ferme], d'autre long M. Ludovic de Thy, d'un bout la route " etc.. 

La villa romaine se trouvait-elle à l'emplacement de la Grande Ferme ? C'est une hypothèse à laquelle souscrit Robert de Thy. Il m'a confirmé que la Grande Ferme elle-même se trouve sur un lieu-dit anciennement nommé "Les Vignes", dont une partie est adjacente à l'ancienne allée du château de Lacour. Il y a d'ailleurs trouvé des vestiges gallo-romains, à côté du grillage qui borde mon jardin ! Une villa gallo-romaine semble donc avoir eu son implantation au niveau de la ferme de Robert et cette villa, à l'origine du village de Lacour, en constituera sans doute longtemps le cœur, comme nous le verrons plus loin.

 Dans cette même expertise de 1923, on trouve cependant d'autres lieux nommés "Les Vignes".  Article XXVIII : Un grand pré dit le" Pré de l'Etang du Pont de Jonchère" comprenant : Le Chagnot, Pré Gilbert, Chintre au Cerf, la Seiclenet, les prés de Censey et des Vignes, d'une superficie d'environ douze hectares[...].  Article XXXIX : une pièce de terre dite"Les Vignes", d'une superficie de cinq hectares".

 La carte d'état-major identifie le "Pont de la Jonchère" à mi-chemin entre Lacour et Juillenay, ainsi que le pré Chagnot. Ils se trouvent entre la route de Juillenay et les bois de Maizière. Les articles XXVIII à XLVI de l'expertise du domaine de Lacour semblent décrire des terrains qui occupent un large polygone, entre Lacour, la route de Juillenay, la ferme nommée "La Rente du Fourneau"." et toute la lisière nord-est du bois de Maizière.

 Le terme "Rente du Fourneau" évoque l'existence d'un fourneau à cet endroit. A la fin de l'Empire Romain ainsi qu'au Haut Moyen Age, la production du fer semble avoir été une industrie de proximité avec de nombreux petits centres satisfaisant la demande locale. Les opérations de réduction du fer nécessitent des fourneaux. Ces établissements étaient souvent de taille relativement réduite, avec un ou deux fourneaux. 

Les ateliers de réduction de cette époque paraissent assez systématiquement isolés, distants des habitats, mais proches des lieux d'extraction. Outre la pollution et les dangers d'incendie, cela évitait de charrier trop loin la grosse masse de matériaux qu'il fallait traiter pour en extraire le fer. Ces ateliers se trouvaient donc en bordure de la forêt où se fabriquait également le charbon de bois nécessaire à ces opérations. 

 Il faut rappeler que le monde gallo-romain ne connaissait pas le "village", tel qu'il se constituera par la suite. Il y avait les villes, avec leurs aqueducs, leurs égouts et leurs théâtres, d'une part, et des villas à la campagne, d'autre part. Celles-ci appartenaient à de grandes familles de la noblesse gallo-romaine qui employaient des esclaves et possédaient la réserve foncière nécessaire pour vivre largement sur place. Dans le cas de Lacour, l'étendue du domaine attaché à cette villa nous est inconnue, mais on peut penser que celui-ci recouvrait des terres labourées, des prés et des bois.

 Ces bois étaient exploités pour le chauffage et la menuiserie. Dans le cas de Lacour, ils réservaient aussi des gisements de fer, exploitables grâce au charbon de bois que l'on pouvait fabriquer sur place. Or une activité de cet ordre semble bien avoir existé dans la région à l'époque de cette villa.

 Des gisements de fer affleurent irrégulièrement sur une ligne presque droite, depuis la métairie de Bussières (Buchères ?) au sud de Montlay jusqu'à Thôtes, à une quinzaine de kilomètres plus au nord, où le fer fera l'objet d'une exploitation industrielle au XIXème siècle. Une ferme isolée se nomme "Maison Chaude", près de Courcelotte et de Dompierre. Elle se trouve sur le même axe et devait avoir la même fonction que celle du Fourneau.

 

Robert de Thy a trouvé, sur la bordure nord-est de Maizière, des traces d'occupations ancienne avec des outils de facture gallo-romaine, qui évoquent ainsi la présence de journaliers travaillant à une exploitation minière. Si l'extraction et la réduction du fer étaient incluses dans l'économie de cette villa, cela signifie que son domaine s'étendait aux bois, spécialement à celui de Maizière, où se trouve le minerai de fer, et au lieu-dit le Fourneau où celui-ci était traité. L'existence de lieux-dits nommés "Les Vignes" à proximité témoigne peut-être d'une appartenance à la villa nommée "Les Vignes". 

 Comme en témoigne le nom du "Fourneau", qui a persisté, l'existence en ce lieu jusqu'à la fin du Moyen Age d'une petite exploitation de réduction du fer, à l'écart des habitations, mais rattachée au domaine de Lacour, semble probable. Un tel rattachement est encore attesté, pour l'époque moderne, par un texte que l'on trouve sur le site de Lacour, texte qui montre les habitant du Fourneau comme retrayant de Lacour.

"Tous les sujets de la baronnie, ceux de Juillenay, en partie, du Fourneaux, comme retrayants de cette maison forte, étaient tenus au guet-et-garde, aux réparations des fossés, du pont-dormant, des barrières… S'étant refusés à ce devoir en 1631, ils y furent contraints l'année suivante par un décret du parlement".[5]

 

En faisant l'hypothèse que ce domaine était continu, on arrive alors à dessiner une propriété qui est peut-être proche de celle achetée par l'abbé Espiard en 1645. Nous verrons que le domaine de Lacour, dont l'expertise de 1922 nous donne le détail, n'avait pratiquement pas changé de taille depuis son acquisition par l'abbé Espiard. On ne sait ce qu'il en avait été auparavant, mais peut-être cette seigneurie constituait-elle en elle-même une unité de valeur relativement immuable, puisqu'on la verra régulièrement utilisée pour doter des jeunes filles de la famille du seigneur du lieu qui appartenait à la haute noblesse. 

 Au  temps gallo-romain, la villa ainsi que l'ensemble de l'exploitation minière, forestière et agricole s'appelait peut-être "Les Vignes", nom que l'on retrouve dans le périmètre du domaine. Le nom de Lacour, nom générique qui se référait seulement à la villa d'origine, ne serait advenu que dans un deuxième temps. Le climat de l'époque était plus chaud qu'actuellement et des vignes pouvaient bien pousser là.

 Le souvenir de tout cela s'est évanoui, sans doute lors de la période troublée suscitée dès le VIIIème siècle par les invasions des Sarrasins, puis par les razzias des divers envahisseurs qui se sont ensuite succédés. Les Arabes, partis de Septimanie, c'est à dire du Languedoc, remontent le Rhône et la Saône, brûlent Autun dès 725 et dévastent en 731 l'abbaye qui existe à Saulieu. Ils ont été contenus par Charlemagne, mais la faiblesse des derniers Carolingiens leur permettra de s'installer près de Fréjus d'où ils tiennent les cols des Alpes pendant tout le Xème siècle, se livrant à des incursions jusqu'à la Bourgogne. C'est en 972 que Mayeul, abbé de Cluny, est enlevé près d'Orcières et mis à rançon par les Sarrasins.

  Les Normands remontent le cours de la Seine, puis de l'Yonne, détruisent le monastère de Vézelay en 887, mènent encore des raids en Bourgogne en 898. Les Hongrois pénètrent en Bavière en 900, puis se lancent des deux côtés des Alpes et franchissent le Rhin, envahissant l'Alsace, la Lorraine et la Bourgogne en 911. Il lancent en 924 des raids dans la vallée du Rhône jusqu'en Provence. En 938, ils ravagent de nouveau la Lotharingie et l'est de la France. Le mot "ogre", traduit l'angoisse des mères de ce temps là.

 

Les charges étatiques, tenues par les grands sous les empereurs carolingiens qui les confiaient à leurs fidèles, vont échapper au pouvoir central. Dans la mesure où celui-ci n'est plus en capacité de les défendre, les habitants s'en remettent à une puissance locale pour repousser les attaques qu'ils subissent. Aux alentours du Xème siècle la transmission de la motte avec son château de bois, ainsi que des pouvoirs qui y sont  attachés, devient héréditaire. La féodalité est installée et seuls les moines et les clercs sont en capacité de recopier, sur des parchemins épais, les papyrus qui n'arrivent plus en occident depuis l'invasion arabe, mais qui peuvent encore circuler.

 

A compter de cette époque, le Nivernais va se trouver pour deux siècles entre les mains d'une famille puissante dont l'histoire est distincte de celle de la Bourgogne. Cette famille est celle de Landry, comte de Nevers de 989 à 1028.  

 Après les invasions du Xème siècle, Lacour, qui se trouvait sur la frontière entre la Bourgogne et le Nivernais a donc fait partie du domaine des comtes de Nevers entre le Xe et la fin du XIIe siècle. Une carte de 1709 montre une enclave de Nivernais au sein du bailliage de Saulieu, qui comprend Arcenay[6], Lacour et Franceau ; les cartes plus anciennes montrent que cette enclave était plus importante deux siècles auparavant.

 Lacour, à la frontière du Nivernais, jouit d’une vue étendue sur l’Auxois. On peut supposer que ce village est alors devenu alors une place stratégique où était postée une garnison chargée de surveiller la Bourgogne voisine. Depuis la villa d'origine, le centre du village s'est trouvé déplacé de quelques centaines de mètres par l'implantation d'une maison-forte érigée là en sentinelle par les comtes de Nevers.

Pendant deux siècles et demi, la destinée de Lacour sera liée à celle du comté de Nevers. Agnès de Nevers, fille de Guy de Nevers, est comtesse d'Auxerre, Tonnerre et Nevers. Elle épouse Pierre de Courtenay et meurt en 1193.

 C'est ce Pierre de Courtenay qui sera empereur de Constantinople à l'issue de la quatrième croisade. Leur fille Mathilde de Courtenay hérite du Nivernais qu'elle apporte à son époux, Hervé de Donzy. Le Nivernais passe ensuite par mariage et héritages aux mains de la famille de Châtillon, puis de Bourbon et enfin entre 1254 et 1262, par le mariage d'une nouvelle Mathilde, à celles du duc de Bourgogne, Eudes.

La fille d'Eudes et de Mathilde, Yolande de Bourgogne, hérite du comté de Nevers et épouse le comte de Flandres, Robert III, qui devient ainsi comte de Nevers. Le Nivernais restera pour cent ans aux mains des comtes de Flandre, dont la dernière héritière épousera Philippe le Hardi, duc de Bourgogne en 1369 en lui apportant donc ce comté.

La Guerre de Cents ans va infléchir la vie de Lacour car le Nivernais sera ravagé par les "Grandes Compagnies" qui y sévissent après la défaite de Poitiers en 1356. 

C'est aussi le moment où nous avons la première trace d'un seigneur de cette terre. En 1367, Jean de Sainte Croix fait aveu et dénombrement de Lacour à la Chambre des Comptes de Nevers. Il est nécessaire à ce niveau de préciser dans quel environnement politique de situe cette démarche administrative qui pourrait sembler de pure routine.

 Depuis 1338, le roi d'Angleterre, Edouard III, prétend avoir des droits à la couronne de France et a commencé la guerre dont le premier épisode est la prise de Calais en 1340. Pendant des année, les Anglais, partant de Bordeaux, Calais, de la Normandie ou de Bretagne, vont réaliser des chevauchées , c'est à dire des razzia à travers la France. La bataille de Poitiers a lieu au cours d'une chevauchée du Prince noir, fils d'Edouard III, roi d'Angleterre, à partir de Bordeaux. Le roi de France, Jean le Bon, y est fait prisonnier avec les plus grands seigneurs français.

 Après la défaite de Poitiers en 1356 et durant les quatre années suivantes, le pays qui s'étend de la Bretagne à la Bourgogne est livré aux troupes du roi d'Angleterre et du roi de France, organisées en Compagnies . Il n'y pas de grandes batailles, mais les anglais assiègent, souvent victorieusement, les places-fortes et les villes fortifiées qu'elles trouvent sur leur passage et ravagent le plat pays.

C'est à cette occasion qu'émerge le nom d'un personnage qui va jouer un rôle dans l'histoire de Lacour, celui d'Arnaud de Cervole , dit "L'Archiprêtre", qui, pour l'heure, combat au service du roi de France.

Les"Grandes Chroniques de France"[7]indiquent :"Audit mois d'octobre [1358], Robin Canole [Robert Knolles, un chef de Compagnie anglais fameux], capitaine de plusieurs forteresses anglaises, en Bretagne et en Normandie, chevaucha en Orléanais et prit Chastelneuf-sur-Loire, et tantost après Chastillon sur Loire : et après, chevaucha plus haut, allant en Aucerrois et en la Puysaie, et prit une forteresse appelée Malicorne; mais les gens du pays s'assemblèrent et allèrent devant ladite forteresse. Et un chevalier appelé messire Arnault de Cervole, surnommé l'Archeprestre, qui venait au mandement dudit régent , accompagné de grand nombre d'hommes d'armes, se mit avec lesdites gens du pays devant ladite forteresse de Malicorne. Mais ils s'en repartirent honteusement sans prendre ladite forteresse."

 Le régent est le futur Charles V, dont le père, Jean le Bon, est prisonnier des Anglais depuis 1356. L'"Archiprêtre", Arnaud de Cervole est en charge des forces du régent à cette époque. Il est reparti sans gloire après avoir tenté sans succès de déloger les Anglais de cette forteresse. [8] Robert Knolles et ses troupes vont prendre Régennes, puis Auxerre en mars 1359, mettant toute la population à rançon. Ces Anglais vont aller jusqu'à Saulieu où ils brûlent les habitations au printemps 1359, avant de repartir vers la Loire et vers la Bretagne. Ils sont  donc presque certainement  passés par Lacour.

 

A l'automne 1359, les Anglais débarquent à Calais avec Edouard III à leur tête. Celui-ci voudrait se faire sacrer à Reims mais il échoue à prendre la ville. Les Anglais poursuivent vers le sud-est jusqu'aux environs de Flavigny[9], mais ils n'iront pas plus loin vers le sud. 

 En mars 1360, le traité de Guillon[10], entre Edouard III et le duc de Bourgogne prévoit le versement de 200000 moutons d'or par les Bourguignons contre le retrait des Anglais hors de leur pays. Les troupes d'Edouard obliquent ensuite vers Paris qu'ils n'atteignent pas, puis vers Orléans et s'arrêtent à Brétigny. C'est là que sera signé en mai 1360 le traité de ce nom qui prévoit le versement de trois millions d'écus pour la rançon de Jean le Bon et le passage du tiers de son royaume sous la suzeraineté d'Edouard III.

 A l'issue de ces traités, les troupes des belligérants, soldoyées, c'est à dire soldées par le roi d'Angleterre ou le roi de France jusqu'en 1360, sont débauchées sur place. Ces mercenaires sont donc au chômage après cette date et ne relèvent désormais que de leurs chefs. Ces chefs se mettent parfois au service, soit du roi de France, soit de Charles de Navarre, allié des Anglais, soit des Francs-Comtois, également allié des Anglais, au gré d'alliances fluctuantes. Mais la plupart du temps, leur troupes se bornent à piller tout ce qui est à leur portée et commencent à vivre sur l'habitant à une échelle inconnue jusque là. Ce sont les Grandes Compagnies, dont les méfaits vont alimenter longtemps la chronique

 Celles-ci, organisés en "route" ou groupe sous les ordres d'un chef, font régner la terreur à partir d'un certain nombre de places-fortes dont ils se sont emparés et qu'ils utilisent comme bases pour leurs entreprises de razzia. Les Compagnies de routiers qui tenaient le Nivernais ont sans doute utilisé la maison-forte de Lacour à cette fin, comme ils l'ont fait dans toute la région, tandis que les villes fortifiées les tenaient plus ou moins en respect.

  Courtépée[11] n'indique rien sur ce qui s'est passé avant 1445. L'abbé Baudiau, au XIXème siècle précise qu'en 1367, cette terre appartenait donc à Jean de Sainte-Croix. Nous avons dit qu'à cette époque, le Nivernais relève du comte de Flandres. Une partie constitue le douaire[12] de sa femme, Marguerite de France. C'est celle-ci qui a fait venir Arnaud de Cervole pour défendre le Nivernais contre les Anglais en 1358. 

Nous avons vu Arnaud de Cervole échouer piteusement devant Malicorne. Le dauphin , futur Charles V, l'a démis de ses fonctions et renvoyé à la fin de l'année 1359.  Arnaud de Cervole, devenu chef de Compagnie indépendant, s'est alors emparé de plusieurs forteresses du Nivernais d'où il tient tout le pays. Il y a de fortes chances pour que la petite place de Lacour, dont nous avons dit qu'elle était tombée aux mains des Routiers, ait été occupée par les   troupes de Cervole.

 Jean le Bon, revenu d'Angleterre après le traité de Brétigny, est suzerain du comte de Flandres et donc du Nivernais. Cervole représente une puissance considérable, avec de l'or à foison et des troupes armées à ses ordres. Le roi négocie à prix d'or la libération de ces forteresses, puis tente de se concilier Cervole en lui faisant épouser Jeanne, dame de Châteauvillain en 1362. A cette occasion, Arnaud de Cervole est nommé administrateur du château de Thil-en-Auxois où il installe ses soldoyers.

 Jean le Bon a tout faux et Cervole restera maître du jeux. On le verra, par la suite, faire pour son compte le siège de plusieurs places-fortes, en Auxois et en Autunois avec ses routiers bretons et gascons. La maison-forte de Lacour, comme toutes celles de la contrée, va sans doute rester livrée durant plusieurs années aux mains des routiers d'Arnaud de Cervole. 

 

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[1] Courtépée : "Description historique et topographique du duché de Bourgogne" 1781.

[2] Robert de Thy évoque la découverte d'une villa romaine avec tout un système de drains pour l'évacuation des eaux, dans un champs qu'il exploitait près de Montlay, appelé "Le Poil gelé", à côté du lieu-dit "Le dessus du Clou", à la limite sud-est de Maizières, près de "La croix de l'homme mort". Une fontaine romaine, dite la source Segrain, dont il reste des vestiges, se trouvait également à proximité.

. Il évoque également une construction gallo-romaine, à côté de l'ancienne déchetterie de Lacour, sur la route de Molphey, dont les dernières pierres ont été utilisées par Gilbert Dargent, le commis de François de Thy, pour se construire une maison à Franceau.

[3] Baudiau : "Le Morvand"

[4] Document de 43 pages que Robert de Thy m'a prêté en 2012

[5] Site Internet de Lacour d'Arcenay

[6] Quoique Courtépée affirme le contraire.

[7] Ed. Paulin. Paris, t.6, p.142

[8] Il ne s'agit pas de Malicorne dans la Sarthe mais d'un fort situé sur la commune de Charny dans l'Yonne. "En exécution de ce traité et de la paix générale, le Roy d’Angleterre par lettre patente donnée à Calais le 28 octobre 1360 chargea William Graunson et A. Michel de Tamrott de faire évacuer les places occupées par ses troupes et spécialement Regennes, Legny, Malicorne et la Motte Champlay" A. Dey, 1852

[9] A quatorze kilomètres à l'est de Semur-en-Auxois

[10] A 17 kilomètres à l'ouest de Semur,  dix neuf kilomètres à vol d'oiseau de Lacour, sur la rive droite du Serein.

[11] Il indique dans "Description historique du duché de Bourgogne", écrit en 1781.: "Terre aux la Baume depuis 1445 à 1599, qu'elle passa à François d'Aidic de Quitinière [...]".

[12] Bien donné en usufruit par l'époux à sa femme lors de son mariage.