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CHAPITRE X

La descendance de Simon

Les deux fils de Simon se nomment Guillaume et Antoine. Il est aisé de reconnaître les prénoms d’Antoine, sire de Beaujeu, et de Guillaume de Beaujeu, le jumeau de Guichard mort à Poitiers. C’est Antoine de Beaujeu qui a investi le Bâtard de Thil d’Avenas ; Guillaume de Beaujeu est seigneur d’Amplepuy et a gardé de très bonnes relations avec le Bâtard de Thil[1]. Il est probable d’ailleurs qu’il a apporté son soutien au fils du Bâtard, Simon de Thil, dans son procès contre Edouard II. S’opposer à son seigneur suzerain n’est pas à la portée du premier venu et Guillaume est le propre oncle d’Edouard II. C’était ainsi un appui considérable pour Simon qui n’était donc nullement un personnage isolé et inconnu.

 Dans la “Généalogie“ de Philibert nous voyons Antoine et Guillaume de Thil, les fils de Simon, coseigneurs d’Avenas. A la mort de son frère Guillaume, Antoine va prêter foi et hommage au duc de Bourbon en son nom et au nom de son neveu François de Thil, mineur.

Cependant les temps ont changé pour les descendants du Bâtard de Thil. Après la cession du Beaujolais au duc de Bourbon en 1400, le statut de la famille n’est plus ce qu’il était. Ils se trouvaient jusque-là proches parents des sires de Beaujeu, eux-mêmes proches du roi de France. 

Les de Thil n’ont pas de liens familiaux avec les ducs de Bourbon.  Vassaux de ces derniers, ils seront obligés de les suivre dans leurs guerres contre le roi de France. Ces guerres civiles que doivent affronter Charles VII, puis Louis XI, n’apporteront aucune gloire ni aucun profit aux fils de Simon. 

En 1459, Antoine se trouve encore dans une relation de type féodal avec son seigneur suzerain, ils se connaissent personnellement et la “Généalogie “ de Philibert le montre :

 “ Lettres originales de foy et hommage faite le 6 avril 1459 de la terre, justice et seigneurie de La Salle, autrement d’Avenas, paroisse du même nom, en Beaujolais et du domaine en dépendant à Jehan, duc du Bourbonnais et d’Auvergne, comte de Clermont, pair et Chambrier de France, par son amé et féal, écuyer, Antoine de Til, seigneur dudit Avenas, tant en son nom comme en celui de François de Til, son neveu, mineur d’an.

Les dites lettres contresignées par Monseigneur le duc, …overtes avec paraphe, document scellé en cire rouge et cotées N°10. “

 

Mais, en 1473, les liens féodaux se sont distendus. Il reste les obligations féodales de guet et garde des forteresses du suzerain. Celui-ci ne cherche plus guère qu’à exploiter ces obligations et la famille va devenir anonyme après Antoine qui a dû servir sous le duc de Bourbon. A noter qu’à cette date, la Guerre de Cent Ans est terminée depuis vingt ans, en 1453, mais on ne le sait pas encore.

 “Lettres originales en parchemin, données à Moulins el 22 janvier 1473 par Jehan, duc de Bourbonnais et d’Auvergne, comte de Clermont, pair et Chambrier de France à Antoine de Thil, écuyer, seigneur de La Douze et Avenas, en faveur des hommes et justiciables dudit   Avenas, pour la dispense, à eux accordée, pendant deux années durant, du guet et garde au château d’Aloigney, et avec permission audit Antoine de Til de faire venir ses dits hommes d’Avenas pour guetter et garder sa place forte de La Douze à cause des dangers de guerre et hostilités, combien qu’il n’avait pas de place forte audit lieu d’Avenas.

Les dites lettres contresignées par monseigneur le duc, …obertes avec paraphe, et scellées de cire rouge et cotées N° 12

 Le fort d’Aloigney se trouve non loin d’Avenas. Il appartient au duc de Bourbon qui demande à ses vassaux d’exercer leurs obligations de guet et garde sur ses forteresses.  Antoine doit faire garder son fort de la Douze et veut faire venir des hommes d’Avenas, qui n’a pas de fort, pour garder La Douze. Mais il faut pour cela la permission du suzerain.

 Jusqu’au dernier tiers du XVe siècle, la famille de Thil a continué son existence, pas forcément consciente de son appauvrissement social et matériel. Les princes aidaient souvent financièrement les nobles présents à leur cour. Les de Thil ne sont pas présents à la cour du duc de Bourbon et nul ne viendra en aide à la branche aînée.

Cependant les péages d’Avenas qui faisaient la fortune de la famille se sont fortement amenuisés.  Cluny n’est plus la grande abbaye qui drainait une foule de pèlerins, de religieux, de marchands avec leurs charrettes et leurs bestiaux. L’avoine qui pousse à Avenas devient pratiquement le seul revenu de ce gros bourg qui va se rétrécir en un tout petit village. Les revenus nécessaires pour permettre de vivre noblement sont devenus squelettiques. La famille a subi cette évolution sans bien comprendre ce qui lui arrivait. On voit François, le petit-fils de Simon, qui, avant 1500, compte âprement ses redevances et intente contre l’abbaye de Belleville et le chapitre de Saint-Paul de Lyon des procès qu’il perd. Il commence sans doute à faire des dettes et à en payer les intérêts en reconnaissant des rentes sur ses terres à ses créanciers. Léonnet, son fils aîné, ira en 1519 en justice contester en vain la dot que sa mère avait constituée à son frère puîné, Guillaume. C’est dans ces conditions qu’en 1533 la branche aînée représentée par Léonnet de Thil, doit vendre la terre d’Avenas pour 23 000 livres tournois à Guillaume Barjot, riche bourgeois de Lyon. Cette branche s’éteindra peu après et la fille de Léonnet, Guillemette de Thil mariée à Gilbert de Mars, vendra La Douze en 1573 à Hugues Charreton, autre bourgeois fortuné, pour 10 000 livres.

Cependant le frère puîné de Léonnet, Guillaume II de Thil continuera la lignée. Doté par sa mère, il a fait un beau mariage en 1524. Péronne de Chavagnieux lui apporte la terre de Corcelles à laquelle s’adjoint un petit fief nommé Milly.   


La famille se dira ainsi seigneur de Corcelles durant une bonne partie du XVIe siècle puis prendra le titre de seigneur de Milly. Au moment des guerres de religion, la famille est toujours là, mais on sent que les conditions de vie sont difficiles. En témoigne ce passage du testament du fils de Guillaume, Lyonnet de Thil en 1595[2] :



Les fils cadets de Lyonnet sont religieux de l’ordre de Saint Benoît, donc bénédictins ; ils sont sans doute moines à Cluny qui ne recrute plus guère.

On a noté que Lyonnet se dit en 1595 “ seigneur de Milly “ et non de Corcelles comme l’avait fait son père. Il en avait le droit puisqu’il était seigneur du fief nommé “ Corcelles “ en même temps que de celui nommé “ Milly “.

Mais il semble que ce soit pour des raisons précises que Lyonnet se dise seigneur de Milly. Des temps difficiles pour la famille vont en effet survenir.


[1] “ Vic-sous-Thil “, ouvrage cité

[2] “Inventaire des titres de la Maison de Milly“ 1888


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