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CHAPITRE XVII

RESUME DE CETTE HISTOIRE

 

A titre de conclusion je vais essayer de résumer mon histoire qui est un peu compliquée à lire dans la mesure où il me fallait nécessairement apporter les preuves de ce que j’affirmais, du fait que je mettais en cause une vérité historique établie.

Avant que j’entreprenne ma recherche généalogique, Simon de Thil seigneur d’Avenas, apparaissait comme le premier ancêtre portant mon nom. Le procès qu’il a gagné en 1394 prouve qu’il était le fils légitime de Jean bâtard de Thil seigneur d’Avenas ; cette filiation légitime était en effet la condition sine qua non pour hériter d’un bâtard.

Simon est donc le fils de Jean Bâtard de Thil et d’une demoiselle de la Douze, dont le prénom ne nous est pas parvenu, fille de Guillaume de la Douze dont le château se trouve à Odenas.

La recherche du père de Jean Bâtard a conduit facilement à Jean de Thil, connétable de Bourgogne ; celui-ci était toujours en puissance de femme en 1332 au moment où il mariait son unique enfant, sa fille Marie de Thil âgée de 12 ans, à Edouard de Beaujeu, fils de Guichard de Beaujeu. Jean de Thil âgé de 35 ans, dont la femme est probablement malade, et la jeune veuve de Guichard de Beaujeu qui a 27 ans, se retrouvent à cette cérémonie de mariage. Ils se connaissent et s’apprécient, ce qui parait une circonstance suffisante pour concevoir un bâtard noble élevé dans le Beaujolais et portant le même nom que le connétable. De nombreux autres indices ont conforté cette hypothèse.

Le connétable se mariera 13 ans plus tard avec une Jeanne de Chateauvillain ; bien que tout soit possible, il semble difficile d’admettre que cette Jeanne ne soit pas celle qui a enfanté le bâtard qui a été reconnu par le père. Pourtant ce n’est pas cette Jeanne là que les historiens ont retenu comme seconde épouse du connétable. Ceux-ci ont été trompés par des fausses preuves fabriquées avec l’aval du Roi. Comme ma recherche généalogique ne pouvait pas rester dans le flou il a fallu trouver les preuves permettant d’acquérir une certitude sur l’identité de la mère du bâtard de Thil. Mon histoire met en évidence ces preuves et conforte donc bien l’identité des parents de Jean Bâtard de Thil. Celui-ci est bien le fils de Jean, seigneur de Thil et Marigny, occupant jusqu’à sa mort en 1355 du château-fort de la butte de Thil et de Jeanne de Chateauvillain, veuve de Guichard de Beaujeu. Cette dernière a épousé Jean de Thil près lui avoir donné une fille puis un fils héritier prénommé Jean né en 1345.

C’est là que l’histoire a dérapé. La fille de Jean de Thil a été fiancée vers l’âge de 12 ans au jeune sire de Chateauvillain en Champagne, prénommé Jean, son cousin au 8ème degré. La mort du père du fiancé en 1354 puis de Jean de Thil l’année suivante ont probablement fait repousser le mariage à l’année 1356. Entre temps la jeune fille et le jeune sire de Chateauvillain qui vivaient sans doute à la cour du Duc de Bourgogne ont manifestement pris un peu d’avance sur le mariage ; ce n’était pas grave, à l’époque les fiançailles étaient une garantie suffisante pour légitimer tout enfant, né dans ces circonstances, par un mariage.

Ce qui n’était pas prévu, c’était l’ost royal ; Jean le Bon a convoqué le ban et l’arrière ban pour venir l’aider à combattre les Anglais. Tout ce que le royaume comptait comme chevaliers devait partir sur l’heure et rejoindre le Roi. Si le mariage de la jeune fille de Thil et du sire de Chateauvillain était imminent, il a été reporté. Le problème est que le futur papa n’est jamais revenu ; il est mort à la bataille de Poitiers le 19 septembre 1356. La fiancée a ainsi mis au monde un enfant sans père, donc sans aucun avenir et aucune capacité d’hériter.

Heureusement que la grand-mère de cet enfant, une femme de tête, a tout de suite pris la décision de déclarer cet enfant comme son fils ; c’était un garçon qui a été baptisé Jean comme son père, Jean de Châteauvillain, qu’il ne connaitra jamais. En le déclarant comme son fils elle en faisait en même temps le fils de son mari Jean de Thil décédé récemment.  Cette identité administrative en faisait un possible héritier du connétable si son héritier légitime né en 1345 venait à décéder.

Cet héritier légitime va effectivement décéder vers 1361. A partir de cette date ce pseudo fils de Jean de Thil devient l’héritier officiel de la seigneurie de Thil.

Pour le Roi qui savait parfaitement à quoi s’en tenir sur l’identité de cet héritier une solution apparait possible pour faire de cet enfant, initialement sans avenir, l’héritier de son père génétique, le sire de Chateauvillain en Champagne, mort à Poitiers. Pour ce faire il va faire passer la sœur du sire de Chateauvillain pour la mère de cet enfant ; il se trouve qu’elle s’appelle Jeanne de Chateauvillain, comme la pseudo mère de cet enfant, épouse de Jean de Thil.

Pour atteindre ce but il faut faire passer la sœur du sire de Chateauvillain pour la veuve de Jean de Thil. Difficile, car la véritable veuve est toujours vivante. Oui mais celle-ci est nettement plus âgée que la sœur du sire de Chateauvillain ; on peut donc espérer qu’elle mourra suffisamment longtemps avant celle-ci pour que tous les témoins risquant de dévoiler la supercherie soient mort ou aient oublié son existence quand l’héritier accédera à son héritage.

Toute l’astuce du Roi va donc consister à retarder au maximum le moment où cet enfant accédera à son héritage.

Pour y arriver Jean le Bon saisit une opportunité. La sœur du jeune Jean, sire de Chateauvillain,  mort à Poitiers, vient de perdre son mari. Le Roi décide de la remarier avec Arnaud de Cervole, un chef de Grande Compagnie qui a une armée à ses ordres ; il avait donc les moyens d’assurer le service de fief pour les forteresses de Thil et de Chateauvillain dont l’héritier voulu par le roi, l’enfant naturel du sire de Chateauvillain, est mineur. La sœur du sire de Chateauvillain a également de son précédent mariage un fils nouveau-né qui est héritier de la seigneurie de St Georges, ce qui nécessite également un adulte capable d’assurer le service de fief.

En mariant la jeune Jeanne de Chateauvillain à Cervole il investira ce dernier comme seigneur de Chateauvillain et le mettra ainsi en capacité d’assurer le service de fief pour Chateauvillain. Jean le Bon le nommera aussi “baillistre“ pour Thil et St Georges. Cela signifie qu’il assumera le service de fief pour les héritiers mineurs de ces deux fiefs.

En ce qui concerne Chateauvillain Jeanne n’en a que l’usufruit puisqu’il est prévu que le fils naturel de son frère en hérite. Cervole, par son mariage, devient donc seigneur usufruitier de Chateauvillain et son épouse dame (usufruitière) de Chateauvillain. Autrement dit l’enfant naturel du sire de Chateauvillain n’accédera à son héritage de la seigneurie de Chateauvillain qu’à la mort du dernier survivant de la dame de Châteauvillain et de son époux. C’était une bonne manière de repousser l’accès à l’héritage à une date suffisamment lointaine pour ne pas risquer de se retrouver avec deux veuves de Jean de Thil à ce moment-là.

On comprend comment l’accès à l’héritage a pu être repoussé ; reste à donner les moyens à cet enfant naturel de prouver qu’il a droit à cet héritage. Autrement dit à prouver qu’il est bien le fils de la dame de Chateauvillain. Administrativement il a été déclaré fils de sa grand-mère et de son grand-père Jean de Thil. Il s’appelle donc aussi Jean de Thil. Sa pseudo mère-grand-mère s’appelle Jeanne de Chateauvillain et la dame de Chateauvillain également. Pour faire passer l’une pour l’autre on va faire croire que la dame de Chateauvillain bénéficie, à titre de douaire, d’une terre ayant appartenu à Jean de Thil.

Le douaire est une terre donnée en usufruit à l’épouse du vivant du mari afin qu’elle puisse, après le décès de son mari, bénéficier de l’usufruit afin d’avoir de quoi vivre jusqu’à sa mort.

Jean de Thil était seigneur de Thil et de Marigny et aurait donné en douaire la terre de Marigny à sa seconde épouse. Sa veuve était ainsi usufruitière de Marigny. Elle va donc céder cet usufruit à sa jeune cousine homonyme, la dame de Chateauvillain.

Lorsqu’un fief change de main le nouveau vassal doit prêter foi et hommage au suzerain. Pour Marigny le suzerain est l’évêque de Troyes ; celui-ci est en place depuis 1354, il a donc reçu la prestation de foi et hommage pour ce fief de la part de la veuve de Jean de Thil. La dame de Chateauvillain ne précisera pas dans sa prestation de foi et hommage, qu’elle a faite juste avant son mariage avec Cervole en 1362, la nature de son entrée en possession ; si elle l’avait déclaré comme douaire, l’évêque qui n’était pas forcément gâteux, aurait pu tiquer en se souvenant de la démarche de la vraie veuve quelques années plus tôt. Il faut comprendre que cette formalité est une histoire de gros sous. En prêtant foi et hommage pour une terre en usufruit on paie une taxe qui peut représenter un an de revenu. Si l’usufruit d’une terre change de main le suzerain ne va pas forcément chercher la petite bête ; l’important c’est l’argent qui rentre dans ses caisses.

L’évêque n’est pas éternel, il est mort en 1368 et la même règle que pour le changement de vassal s’applique. Le vassal doit prêter foi et hommage au nouveau suzerain ; c’est ainsi que la Dame de Chateauvillain a prêté foi et hommage au nouvel évêque en 1369. Cette fois-ci, il était indiqué qu’elle le faisait pour son douaire de Marigny, en précisant à cette occasion que le nu-propriétaire était le jeune Jean de Thil, alias le fils naturel du sire de Chateauvillain.

Par cette manipulation, le fils naturel du sire de Chateauvillain devient le fils de sa sœur qui elle-même devient la veuve de Jean de Thil. La vraie veuve est morte deux ans plus tôt il y a peu de chance que le nouvel évêque s’aperçoive de la supercherie.

Il semblerait que pour convaincre un notaire qu’on est bien celui qu’on dit être il faut deux témoins ou deux preuves indépendantes.

Pour le fils naturel du sire de Chateauvillain on a quelques raisons de penser que Jean le Bon avait confié à Cervole le petit service de témoigner de l’identité de ce fils naturel du sire de Chateauvillain. C’est un petit service, en regard des immenses cadeaux de Jean le Bon, qui permettait à Cervole de toucher les revenus de Chateauvillain à vie et de Thil et St Georges jusqu’à la majorité des héritiers pour lesquels il assume le service de fief.

En fait Cervole est mort assassiné en 1366 et bizarrement Marie, la seconde sœur du sire de Chateauvillain qui décède en 1367, a rédigé, ou on a rédigé pour elle, un testament qui répète à plusieurs reprises que le jeune Jean de Thil est son neveu et le fils de sa sœur. Ce testament semble être la seconde preuve dont a besoin le fils naturel du sire de Chateauvillain pour aller toucher son héritage. Ce testament rédigé à la Cour du duc de Bourgogne ressemble bien à une preuve destinée à remplacer le témoignage que Cervole ne pourra pas assumer.

 Cervole posait peut-être un petit problème pour notre histoire d’héritage mais il posait surtout un gros problème à Charles V. Ce dernier n’avait pas confiance en lui et de plus les troupes de Cervole semaient un tel désordre dans le royaume de France que le Roi n’était plus maître chez lui. On peut donc dire qu’avec l’avènement de Charles V Cervole était condamné.

Pour avoir contribué à la mort de Cervole, Jean bâtard de Thil a été récompensé ; il a été investi par son suzerain Antoine de Beaujeu sur le fief d’Avenas. Celui-ci a été constitué pour lui par la réunion de deux fiefs rachetés à la famille de Sausay par Antoine mais très certainement financé en sous-main par le Roi. Celui-ci récompensait ainsi le bâtard pour un important service rendu au royaume.

Sans ce fief le bâtard n’aurait certainement pas pu épouser une demoiselle de la noblesse, avoir une descendance et transmettre son nom jusqu’à nos jours.

Finalement on peut dire que la lignée de Thy doit son existence à l’assassinat de Cervole ; dit comme cela, ce n’est pas très glorieux mais à y regarder de plus près la contribution du bâtard a été déterminante et le service rendu immense quand on constate qu’avec la disparition de Cervole, Charles V a peu à peu pu rétablir l’ordre et reprendre son royaume en main. 

Il y a maintenant assez de preuves pour écrire l’arbre descendant du connétable et de sa seconde épouse, ainsi que l’arbre montrant la famille élargie de Simon ; manifestement il n’était pas seul, perdu au milieu de nulle part, comme il apparait dans les papiers de la famille de Thy.


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FIN