CHAPITRE XV
La famille Châteauvillain |
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Une dernière
preuve de la filiation de Johannis de
Tillio sera officialisée après la mort de Cervole. Nous avons dit qu’il
fallait deux témoignages pour qu’un fait soit établi. Si Cervole avait été
appelé à constituer ce deuxième témoignage de la filiation de Johannis de Thillio par l’attestation de
l’existence de son “beau-fils“, sa mort faisait disparaître ce témoin. Un
second témoignage va apparaître à la cour de Bourgogne. En septembre
1367 est ouvert solennellement à la cour de Bourgogne le testament de Marie de
Châteauvillain, épouse d’Henri de Bourgogne. Cette jeune femme, sœur de la dame
de Châteauvillain, aurait rédigé son testament, daté de mars 1367, alors
qu’elle était enceinte de son premier enfant. Elle y évoque abondamment “ Johannis de Tillio, fils de ma
sœur “ sans évoquer le père de cet enfant et lègue la totalité de la
nue-propriété de ses biens à ses neveux, la terre d’Arc à “ Johannis de Thilio fils de ma sœur “ et celle de
Neuilly à Guillaume de Vienne, enfant de cinq ans, issu du second mariage de sa
sœur avec Hugues de Vienne. Elle meurt après avoir mis au monde un enfant qui
n’a pas vécu[1]. Son mari, Jean de Bourgogne, sera usufruitier
de ces terres. Il est bien bizarre qu’une jeune femme déshérite ainsi son
premier enfant encore à naître. Ce testament improbable a été rédigé à la cour
de Bourgogne, avec l’accord du duc de Bourgogne et semble avoir été créé tout
exprès pour la circonstance après la mort de Marie de Châteauvillain. Rappelons
que la terre d’Arc qu’elle lègue ainsi à Johannis
de Tillio faisait partie du domaine de Jean de Châteauvillain avant sa
mort. A noter que le duc de Bourgogne est celui des
fils du roi Jean le Bon qui s’est tenu auprès de son père lors de la bataille
de Poitiers en lui disant : « Père,
gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche ». Il a vu la mort de
Jean de Châteauvillain, connaît son histoire et celle de l’enfant né de ses
œuvres. Il veut, lui aussi, reconnaître le sacrifice de ce grand seigneur au
profit de son fils posthume. Johannis de
Tillio, sorti de l’enfance, sera investi
seigneur de Thil, sans qu’une difficulté se présente. Il épousera en 1372 Jeanne de Grancey, fille
d’Eudes, seigneur de Grancey, Louvois, Pierrepont et de Yolande de Bar, de sang
princier. Il suivra le duc de Bourgogne dans ses campagnes au service du roi de
France puisqu’on le retrouve en 1378 en Normandie et en 1382 à la bataille de
Rosebecque.[2] En 1391, après le décès d’Enguerrand d’Eudin,
veuf de la dame de Châteauvillain et usufruitier de Châteauvillain, Johannis de Tillio sera investi de
Châteauvillain par le roi de France Charles VI, le fils de Charles V. Il prendra à ce moment-là le nom de
“Châteauvillain“. Ses fils, Guillaume et Bernard seront l’un seigneur de
Châteauvillain et Grancey, l’autre seigneur de Thil. Ils ont pris tous les deux le nom de
Châteauvillain. La guerre anglo-bourguignonne contre le roi de
France fera rage entre 1417 et 1435. Guillaume servira les rois Charles VI puis
Charles VII et sera Grand Chambellan de France. Il s’était livré à des guerres
privées malheureuses qui l’avaient amené à s’engager à payer des rançons très
importantes pour se libérer. Son testament est daté de 1439. Il mourra
sans descendance légitime et couvert de dettes. Guillaume élit sépulture à Châteauvillain “en la fosse de Monsieur mon père, que Dieu
pardonne“…. Le père de Guillaume, Johannis
de Thillio, s’est donc fait enterrer dans la collégiale de Châteauvillain
et non dans celle de Thil fondée pour sa descendance par le connétable de Thil.[3]
Bernard
sera seigneur des deux fiefs après son frère. Il avait servi le duc de
Bourgogne pendant la guerre civile et celui-ci l’avait investi des biens de son
frère. La descendance de Bernard s’éteindra en 1507 avec la mort sans
descendance de Jacques de Châteauvillain. Sa sœur Anne de Châteauvillain
épousera Marc de La Baume vers 1508 et lui apportera les possessions de sa
famille. Le nom
de Thil semble définitivement disparu. Il va cependant poursuivre son existence
jusqu’à nos jours à partir d’un rameau qui semblait bien fragile à son début. Lorsque
s’éteint l’histoire de la famille Châteauvillain, celle du Bâtard de Thil et de
sa descendance est commencée depuis longtemps déjà. [1] André
Duchesne livre le testament de Marie de Châteauvillain en latin. Ouvrage cité. Voir « Preuves » [2] Dom
Urbain Plancher, T. III, p. 565, [3]
Duchesne, ouvrage cité, tome 7, page 1040
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