CHAPITRE XII L’argent |
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Cervole est mort, sans doute le 25 mai
1366, près de Glaizé, sans que personne ne sache rien du lieu où l’évènement
s’est passé ni des circonstances. Nous avons vu au chapitre X comment les
choses peuvent s’être déroulées au Mas de la Fleur du Puy. Pour trouver le commanditaire d’un
meurtre, c’est bien connu, il faut suivre l’argent. Nous allons voir que dans
le cas de l’assassinat de Cervole les conjurés ont fait preuve d’astuce. Nous avons dit que Marguerite de France avais
mis deux mois pour collecter 2500 florins, soit 3500 francs, donc la valeur de
la rançon demandée à la Dame de Thil. Il se trouve que cette somme devait être
disponible le 27 mai à Quingey, à environ deux jours de route de
Chateauvillain. Il s’agit de l’argent destiné à Cervole, réuni par les
Francs-Comtois pour le rachat de l’une des deux forteresses de Franche-Comté
données en gage à Cervole lorsque les Routiers avaient quitté les lieux. Cet argent doit arriver à Chateauvillain dès
qu’un homme de confiance de Cervole aura été le chercher. Pour convoyer une importante somme d’argent
sur des routes peu sures il vaut mieux une petite troupe d’homme armés et
sachant se battre. Dans l’entourage de Cervole Enguerrand d’Eudin semble avoir
les capacités pour mener cette équipée. On ne sait pas quelle est exactement sa
fonction ; on sait seulement qu’il est appointé par Cervole depuis fort
longtemps et réside à Châteauvillain. C’est donc probablement lui qui doit
récupérer l’argent à Quingey ; il doit pouvoir faire l’aller-retour en à
peu près quatre jours. Les hommes du Petit d’Arby recevront la somme promise et
disparaîtront. C’est le chapitre “Récompenses“ qu’on lira
plus loin qui fait penser qu’Enguerrand d’Eudin a joué un rôle actif dans la
conjuration destinée à assassiner Cervole. Comme factotum de Cervole il connait
ses troupes et certainement le petit d’Arby qu’il a pu convaincre de
recruter des hommes de main. Nous avons maintenant tous les ingrédients
d’un véritable complot destiné à éliminer Cervole : les mobiles, qui sont
spécifiques à chacun des conjurés, et l’argent destiné à payer les hommes
de main. Les conjurés ont-ils saisi une simple opportunité ou cette mise à
disposition de l’argent à Quingey au moment opportun a-elle été pensée
longtemps à l’avance ? Si tel est le cas, cela voudrait dire que la
décision de Marguerite de France d’emprunter 5000 florins à Cervole résultait
d’un calcul et non d’une nécessité. Emprunter l’argent à celui qu’on compte
faire assassiner pour payer les tueurs c’est plutôt machiavélique. Un courrier de Marguerite de France qui
exprime son ire à l’encontre de la Dame de Chateauvillain laisse penser qu’elle
faisait partie du complot et que l’emprunt des 5000 florins n’était
effectivement qu’une ruse pour masquer l’origine de l’argent. Dans sa lettre
elle ne dit pas la raison de sa colère ; elle a peut-être espéré récupérer
ses deux forts en ne payant que la moitié des 5000 florins dus à Cervole. Ce
que l’on sait, c’est que le fort non racheté ira aux enfants de Cervole. Il
semble que ce soit le frère de Cervole qui ait géré la succession. Marguerite de France ayant signé la
reconnaissance de dette, elle ne pouvait évidemment rien réclamer
officiellement. Peut-être lui avait-on laissé entendre qu’elle aurait récupéré
ses deux châteaux pour le prix d’un ; une promesse n’engage que ceux qui
l’écoute ; faire état d’une telle promesse était évidemment impossible,
cela revenait à avouer sa participation à un complot.
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