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Annexe IV :  Noblesse et ordonnances de Henri IV


Un exemple de l’un des nombreux édits qui refusent la qualité de noble aux bâtards de nobles.

 

Les ordonnances d’Henri IV :

 

 “ Longtemps ces bâtards ont été mis au rang de nobles. [… ] Un arrêt de la Cour des Aides de Paris du mois de juin 1597 attribue aux bâtards dont nous parlons l’exemption des tailles et toutes les prérogatives des Nobles.

Les exemples sont encore plus nombreux que les autorités ; il n’y a point de liste de la noblesse française, dans laquelle on ne compte plusieurs bâtards. […].

Les choses ont changé. Les bâtards des gentilshommes ne sont plus mis au rang des nobles, à moins qu’ils n’aient des lettres d’anoblissement vérifiées dans les formes.

Cela est fondé sur l’ordonnance d’Henri IV, du mois de mars 1600, dont l’article 26 porte que les bâtards, encore qu’ils soient issus de pères nobles, ne pourront s’attribuer le titre et la qualité de gentilhomme, s’ils n’obtiennent des lettres d’anoblissement fondées sur quelque grande considération de leur mérite et de celui de leur père.

Sur ce principe, les Etats Généraux assemblés à Paris en 1614 et 1615, demandèrent au roi, par l’article 68 de leurs cahiers que les bâtards des gentilshommes ne puissent jouir des privilèges de la Noblesse.

Sur ces remontrances et sur celles des assemblées, tenues à Rouen en 1617 et à Paris en 1626, Louis XIII prit une ordonnance registrée le 15 janvier 1629 dont l’article 197 est conçu en ces termes : ne seront tenus pour Nobles les bâtards des gentilshommes ; et, en cas qu’ils aient été anoblis par nos prédécesseurs ou par nous,  eux et leurs descendants seront tenus de porter sur leurs armes une barre qui les distingue d’avec les légitimes ; et ne pourront prendre les noms des familles dont ils seront issus, sinon du consentement de ceux qui y ont intérêt.“

Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, ...: Volume 12 - Page 91

Joseph Nicolas Guyot, Pierre Jean Jacques Guillaume Guyot - 1784)

 

Après le Concile de Trente, de 1542 à 1563, l’Eglise a durci sa lutte contre l’hérésie et a affirmé ses positions. Rappelons que vers l’an mille, l’Eglise avait imposé que les bâtards de noble ne puissent plus hériter de leur père. C’était contraire à ce qui se passait jusque-là puisque tous les enfants, légitimes ou non, d’un noble ou d’un prince mérovingien ou carolingien avaient vocation à hériter de leur père. L’Eglise n’avait pas poussé plus loin ses exigences et avait accepté que le fils bâtard d’un noble soit aussi noble que son père. Après le Concile de Trente les principes de l’Eglise, repris par les princes, ont été amplifiés par la lutte contre le calvinisme : les bâtards de nobles ne seront plus nobles.

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Dès avant 1600, la famille a donc fait tout ce qui était en son pouvoir pour rayer le bâtard de son ascendance. Celui-ci a disparu du discours familial et les papiers qui le mentionnaient censurés ou réécrits. 

Les craintes de la famille de Thil étaient vaines et au XVIIe siècle, sa noblesse sera confirmée par deux fois[1] :



Elle sera encore confirmée à la fin du siècle à l'issue de la nouvelle enquête prescrite par le roi (voir en fin de chapitre).


Pour être maintenu noble, il faut que les ancêtres du postulant aient, en sus de la possession d'un fief, mené durant 100 ans, soit trois ou quatre générations, "une vie noble", c'est à dire sans travailler. Quelques exceptions ont été instaurées par le roi pour favoriser le travail dans les mines, la verrerie et les forges. Un travail comme salarié, entrepreneur, notaire ou procureur, emportait la "dérogence" et entraînait la perte de la noblesse. D'où la nécessité d'envoyer ses fils aux armées et de garder la fortune pour l'aîné en espérant pour lui un riche mariage.

Cependant le Bâtard de Thil avait reçu de Jean le Bon une fleur de lis à placer dans ses armes. L’histoire de la fleur de lis donnée par un roi prisonnier, au décours d’une bataille perdue, était trop belle pour être perdue.  Il était nécessaire de la remettre en scène en lui donnant une signification acceptable.

La famille y a réfléchi. On ne parlera pas du Bâtard de Thil et de Jean le Bon, mais de Saint Louis à la bataille de La Mansourah en 1250. C’est ce saint roi qui aura donné cette fleur de lis à la famille après la mort héroïque de deux frères de Thil devant lui et le geste du dernier frère. Cela correspond presque à la mort héroïque de Guichard et Jacques de Beaujeu à Poitiers en 1356 en présence leur demi-frère Jean bâtard de Thil, damoiseau, devant le roi Jean le Bon.

Insistons sur le fait que les sires de Thil-en-Auxois n’ont jamais porté cette fleur de lis. Les textes du XIVe et XVe siècle, décrivent les armes de la famille du connétable avant qu’elle ne disparaisse et la fleur de lis en est absente.


[1]“  Inventaire des titres de la Maison de Milly “, par Oscar de Poli, 1884

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