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CHAPITRE VIII

Le texte de Peincédé

Jeanne a toujours œuvré à l’établissement de sa descendance. Profitant de l’occasion d’un service à rendre au roi et au duc de Bourgogne, elle a ménagé à ce fils, le Bâtard de Thil, voué à périr sur un champ de bataille, un établissement considérable, un mariage dans son état et une descendance portant son nom qui est venue jusqu’à nous. 

Nous savons que Jean, Bâtard de Thil, damoiseau, a épousé la fille de Guillaume de La  Douze[1]. Pour faire un tel mariage, il faut qu’il ait été doté d’autre chose que d’un mas près de la Saône et d’une moitié de péage. Or la chronologie de notre récit permet de repérer le moment auquel a eu lieu ce mariage. 

Si l’investiture de Noble Jehan de Thil comme seigneur d’Avenas a eu lieu à la fin de l’année 1366, quelques mois après la mort de Cervole, Jean de Thil peut dès lors prétendre à la main de la fille de Guillaume de La Douze. Il est devenu épousable, car noble et doté, conditions nécessaires et suffisantes pour contracter un tel mariage. Il se marie sans doute au cours de l’année 1367 car un fils, Simon lui naît en 1368. Nous verrons au chapitre suivant ce qui permet d’affirmer que le Bâtard de Thil est le père de Simon. Ce dernier a sans doute été baptisé de ce prénom à la demande de sa marraine, notre Jeanne de Châteauvillain. Celle-ci s’enorgueillit en effet de plusieurs ancêtres fameux prénommés Simon, tels Simon de Broyes ou Simon de Semur [en-Brionnais].  Jeanne est décédée vers 1368 car c’est à cette époque que sa belle-fille reçoit le douaire de Laye dont jouissait Jeanne en sus de Montmelas. Jeanne meurt donc peu après le baptême de Simon et son douaire est repris par les Beaujeu. Cette chronologie permet donc de penser que le fief d’Avenas est arrivé à Jehan, Bâtard de Thil, en fin 1366 ou début 1367, soit dans les mois suivant la mort de Cervole.

Nous savons qui a épousé le Bâtard de Thil par un texte qui l’évoque par son nom, comme un personnage connu à cette époque, dans cette région. Ce texte qui le mentionne, à un autre titre que la seigneurie d’Avenas, apporte sur lui des précisions que ne nous livrait pas la seule source d’information dont nous disposions jusqu’ici, l’“ Inventaire des titres de la Maison de Milly[2] dont nous parlerons plus loin.

Les archives de la Bresse, annexée en 1601[3], avaient été confiées à la Chambre des Comptes de Bourgogne. Elles ont été transcrites à Dijon par le grand archiviste Peincédé, qui recopiait, avant la Révolution, les archives de la Bourgogne.

Peincédé, [4] à la fin du XVIIIe siècle, fait l’inventaire des possessions de la Bourgogne. Dans son « Recueil » il procède, au tome 20, à l’« Inventaire analytique des terriers[5] des châtellenies de la Bresse, du Bugey, de Valromey et de Gex. ». Il s’agit de pays cédés au roi de France par le comte de Savoie en 1601.

La Bresse est donc rattachée à la Bourgogne depuis le traité de Lyon en 1601 et ses registres administratifs sont transportés à Dijon. A la fin du XVIIIe siècle, Peincédé transcrit ainsi, à Dijon, le « terrier », ou titres de propriété, de l’ancienne châtellenie de Bagé, en Bresse, tels[6] que ces titres se sont trouvés recensés en 1404.

A cette date, Ancellère de la Douze, épouse de Humbert de Chaneins, a fait une déposition qui figure au terrier de la châtellenie de Bagé.

Elle nous livre ainsi la mention de l’existence d’un Jean, bâtard de Thil, damoiseau, qui, avant 1386, était investi d’un fief : la moitié du péage du port de Beauregard, en face de Villefranche.

   Le texte exact de Peincédé est le suivant :


   Déclaration Vol 312 Déclaration de l’an 1404 d’Ancellere fille de M. Guill. de Dousa Ch.er femme de feu Humbert de Chaneins damoiseau, laquelle tient en fief de la châtellenie de Bagé comme héritière de Jean bâtard de Til (de Tillio) damoiseau, qui à l’an 1386 vendit au Comte de Savoie la moitié du port de Beauregard (Belliregardi) sur la Saône et ce qu’il avait aud. lieu à la valeur de 20 F de rente qu’il promit reconnaître en fief de la châtellenie de Bagé.

Fin dudit terrier de Bagé de l’an 1399. Cotte 2“

 

 Guillaume de la Douze, seigneur de la Douze, est cité dans les écrits du temps et appartient à une famille très anciennement connue en Dombes[7] . GuiIl. de Dousa, Ch.er est sans doute Guillaume de la Douze[8], chevalier, dont une fille, Ancellère a épousé Humbert de Chaneins, autre famille bien connue localement.

 

Le texte de Peincédé, dont l’authenticité ne prête pas à discussion, met en évidence l’existence d’un Jean, bâtard de Til, damoiseau possessionné dans la Dombes à la fin du XIVe siècle, au centre des deux Beaujolais, celui d’Empire et celui du Royaume.

Nous verrons infra que l’“ Inventaire des titres de la Maison de Milly “ parle bien d’un Jean, bâtard de Til, possesseur d’Avenas avant Simon qui en hérite avant 1394[9], mais ne nous dit jamais qu’il est damoiseau, titre de noblesse important à cette époque. Ce titre signifie cependant que ce bâtard est fils ou petit-fils de chevalier. 

Nous avons ainsi la preuve de l'existence d'un Jean, bâtard de Til, damoiseau, vivant en 1386 en Beaujolais. Il y a de fortes présomptions pour que ce soit le même Jean, bâtard de Til, damoiseau qui, en 1386, a vendu au comte de Savoie la moitié du péage du port de Beauregard et Jean, bâtard de Til, qui ait été possesseur du fief d’Avenas avant Simon. Ce dernier, en 1394, en revendique la propriété. Il y a peu de chances en effet pour qu’existent au même moment et au même endroit, deux Jean, bâtard de Til.

 Jean, bâtard de Til, damoiseau évoqué par Peincédé a un lien de parenté avec Ancellère, fille de Guillaume de la Douze, qui dit avoir hérité de lui. Simon de Til a également un lien de parenté avec la famille de la Douze puisque, comme nous le verrons plus loin, il est seigneur de la Douze en 1401, terre apparemment reçue en héritage de sa mère.

Nous allons voir les raisons pour lesquelles on peut affirmer que Jean, bâtard de Thil damoiseau, dont l'item 694 de l'"Inventaire" d'Oscar de Poli nous dit qu'il est mort sans descendance, est le père de Simon de Thil, damoiseau, seigneur de la Douze et d'Avenas.



Château du Sauzey à Avenas



[1]  "Recueil" de Peincédé, numérisé par les Archives de Côte d'Or. . (Peincédé, T.20, p. 216),  p.222 sur le site des Archives Départementales de la Côte d’Or. www.archives.cotedor.fr/jahia/...fr/.../3792

[2] L’“Inventaire des titres de la Maison de Milly“ d’Oscar de Poli sera présenté infra.

[3] Traité de Lyon 1601

[4] "Recueil" de Peincédé, numérisé par les Archives de Côte d'Or.  (Peincédé, T.20, p. 216),  p.222 sur le site des Archives Départementales de la Côte d’Or. https://archives.cotedor.fr/v2/ad21/visualiseur/ir_ead_visu_lien.html?ir=23305&id=480750469

[5] Titres de propriété

  

[7] Humbert de Varax : « Histoire locale de la Principauté et Souveraineté de Dombes » 1999, Bourg-en-Bresse

[8] Id

[9] Item n°694

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